Claire et Takayuki Kamiya sont nés au Japon mais c’est à Monaco qu’ils se rencontrent. Depuis ce-jour, ils ne se sont plus quittés, jusqu’au point d’ouvrir leur restaurant à tous les deux. La Table de Kamiya, ce lieu qui les représente si bien. Une spacieuse salle de restaurant, une belle cuisine ouverte, un pin imposant au milieu de la salle et surtout une cuisine fine entre la France et le Japon.
Interview croisée entre ces deux passionnés :
Entre le Japon et la France, il n’y a qu’un pas
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Quel est votre parcours du Japon à la France ?
Claire : Je suis franco-japonaise et j’ai grandi au Japon, dans la préfecture de Kumamoto sur l’île de Kyūshū, où j’y ai fait toutes mes études de pâtisserie. En France, je travaille dans une pâtisserie lyonnaise pendant 2 ans et demi. Ensuite, j’arrive à Monaco à l’hôtel Métropole auprès de Joël Robuchon. J’ai ensuite suivi Monsieur Robuchon pour l’ouverture de son nouveau restaurant à Bordeaux. Après cette expérience, je m’installe à Nice pour rejoindre Taka, mon mari.
Taka : J’ai travaillé au Japon pendant 10 ans dans des restaurants français, puis en Dordogne, au Vieux Logis, un hôtel restaurant gastronomique auprès d’un chef meilleur ouvrier de France. J’ai ensuite travaillé au Château Eza à Èze Village, où j’ai évolué jusqu’au poste de second. Deux ans après, j’ouvre mon premier restaurant dans le vieux Nice. Mais suite aux attentats de 2016, je décide de trouver un autre emplacement pour mon restaurant car cet événement m’a beaucoup choqué, bien que nous n’ayons pas eu de dégâts. Aussi, je souhaitais un lieu plus grand pour pouvoir permettre à Claire de me rejoindre en tant que pâtissière et qu’elle puisse avoir son espace. C’est ainsi que nait La Table de Kamiya.
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Comment s’est développée votre passion pour la cuisine et la pâtisserie ?
Claire : Ma mère était pâtissière et mon père professeur en école culinaire au Japon. Il a travaillé 10 ans en France où il a rencontré ma mère. J’ai donc grandi entourée de gâteaux ! La passion est venue naturellement car j’ai toujours connu cet environnement gastronomique.
Taka : Mes parents travaillaient ensemble et étaient toujours très occupés. Alors je m’achetais à manger et ne cuisinais pas, jusqu’à mes 21 ans ! J’ai travaillé dans un bistrot thaïlandais à Tokyo où j’ai appris à aimer ce métier car j’ai échangé avec les clients et cela m’a poussé à produire une cuisine de qualité. Suite à cette expérience, j’ai suivi des cours de cuisine à Tokyo et je travaillais en même temps dans un restaurant français. Avant d’entamer cette carrière de cuisinier, j’étais mécanicien.
Échanger pour mieux cuisiner
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Quel est votre processus de création ?
Claire : Je me base sur la saison. J’aime travailler les fruits car je ne suis pas très fan de chocolat ! Mais je propose toujours un dessert au chocolat, pour faire plaisir aux amoureux du cacao. J’y intègre un fruit de saison de qualité selon ce que je trouve au marché et je vais chercher comment le travailler au mieux. J’aime particulièrement le citron car nous en avons toute l’année avec le citron de Menton.
Je débute aussi mes créations selon les associations de goûts que j’ai aimé, entre le Japon et la France. J’essaie de les mélanger mais je veux surtout créer un dessert, frais, végétal et pas trop sucré.
Taka : Je cherche toujours à associer mes deux cuisines phares, entre assaisonnements japonais et techniques françaises. Avec Claire, nous échangeons beaucoup sur nos créations, nous sommes le premier retour l’un de l’autre. Nous parlons des textures, des parfums… Nous sommes dans une recherche constante.
Quand j’ai ouvert mon premier restaurant, j’ai proposé une carte 100% française et ça ne fonctionnait pas du tout… Mes clients m’ont conseillé de mélanger les deux cuisines. Je les ai écoutés, en adaptant ma cuisine progressivement et maintenant c’est devenue ma spécialité. Désormais, quand je propose des plats purement français, mes clients retrouvent une finesse japonaise. J’ai finalement trouvé cet équilibre dans ma cuisine française grâce à la particularité japonaise.
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Vous semblez être particulièrement à l’écoute de vos clients…
Claire et Taka : C’est vrai, et comme nous avons une cuisine ouverte, les clients viennent nous faire leur retour avant de partir, ce qui nous motive encore plus.
Aussi, nous avons remarqué des changements dans les goûts de notre clientèle française. Il y a une dizaine d’années, les textures gluantes comme le mochi ne fonctionnaient pas du tout ! Désormais, les français en raffolent, comme par exemple le chawanmushi (flan japonais). C’est probablement l’effet télé, avec les émissions culinaires comme Top Chef qui ont changé les mentalités car beaucoup de chefs utilisent des techniques et des ingrédients japonais. Cela a certainement rendu les téléspectateurs plus curieux. C’est étrange pour nous de voir cette évolution et cela nous fait très plaisir !
Exprimer la saisonnalité dans l’assiette
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Quelles sont les différences que vous observez entre ces deux cultures, culinairement parlant ?
Claire : Par exemple dans les desserts, les saisons sont représentées différemment selon les cultures. Au Japon, c’est avec les nerikiri. C’est une pâtisserie à base de pâte de haricots blancs sucrée et de farine de riz gluant, donc le goût reste similaire, mais chaque nerikiri représente une saison imagée par un poisson, une fleur de sakura, une feuille d’érable… En France, c’est grâce au large choix des fruits de saison avec des goûts différents. Mais les japonais aiment quand les fruits sont sucrés, pas acides et pas amers comme en France. Ils préfèrent retravailler le fruit pour le rendre plus sucré.
Taka : En effet, les fruits au Japon ont moins de goût mais sont plus juteux alors qu’en France, ils sont plus concentrés en goût mais ont moins de jus. Ici on trouve des yuzu de Corse, mais celui-ci a un léger goût d’orange et de mandarine car les sols et l’exposition au soleil sont différents du Japon.
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Des associations de goûts franco-japonais que vous aimez travailler ?
Claire : J’incorpore beaucoup d’épices dans mes desserts, comme le poivre sansho sur les glaces ou le mélange des sept épices shichimi avec les pommes qui fonctionne très bien.
Taka : La sauce soja, l’huile de sésame, le mélange des sept épices shichimi, le poivre sansho, le miso… Je viens d’ailleurs de Nagoya, région du miso rouge et ma mère en produit elle-même.
Le partage : simple mais indispensable
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Quelle recette facile japonaise conseillez-vous de faire à la maison ?
Claire : Le mochi c’est très facile à la maison ! C’est juste de la poudre de shiratama et de l’eau à mettre au micro-onde. On peut les faire aux fruits, à l’abricot en été par exemple.
Taka : En été j’aime bien le ryukyu : c’est comme un sashimi mais avec de la sauce soja, du mirin et du gingembre à mettre sur le riz.
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Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Taka : Je souhaite que mon restaurant soit rempli à chaque service ! Je pense avoir atteint cet objectif et je suis très heureux en ce moment. Si mes clients sont contents je suis content ! Un jour, j’aimerais pourquoi pas ouvrir une pâtisserie !
Claire : En effet, pourquoi pas ouvrir une pâtisserie française au Japon… Le seul problème avec la pâtisserie française au Japon, c’est le beurre ! Le beurre japonais a un goût différent et le coût d’importation est élevé. D’ailleurs, je fais de la confiture et du chocolat que j’exporte pour le Salon du chocolat de Tokyo et nous les vendons aussi à Shibuya. Les clients japonais adorent la France !
Merci à Claire et Taka pour leur temps et pour m’avoir accueillis dans leur bel établissement.
Restaurant La Table de Kamiya :
52 promenade de la Plage, Cagnes-sur-Mer, 06800
Réservation conseillée, au 04 93 89 71 54 ou sur leur site web : https://www.la-table-de-kamiya.fr/
Horaires d’ouverture:
Du mardi au samedi, midi et soir.
12:30-14:30, 19:30-22:30
Réseaux sociaux :
Instagram @la_table_de_kamiya
Facebook La Table de Kamiya