jeudi 10 octobre | 00:17

Le Rakugo

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Le 10 octobre dernier, la foule se pressait devant la mythique salle de l’Olympia pour un événement spécial. Les éditions Ki-oon présentent leur nouvelle série Akane Banashi, et ils voient les choses en grand ! Le public y découvre le thème principal du manga : le rakugo. Cet art narratif semble piquer la curiosité des futurs lecteurs.

Origines :

“L’art de la parole qui a une chute.”

Ainsi peut se traduire le mot rakugo. Cet art traditionnel remonte au 16ème siècle, et trouve ses racines dans le bouddhisme. En effet, il n’était pas rare de voir des moines bouddhistes prêcher et raconter des histoires humoristiques sur une estrade dans la rue. D’ailleurs, le premier recueil d’histoires fut écrit par Arakuan Sakuden (1554-1642) qui était un grand orateur. La tradition orale était née.

Le conteur, perché sur son estrade, s’adressait aux passants et les captivait par ses histoires jusqu’à ce que la chute de celles-ci déclenche les rires du public. Il faut attendre l’ère Meiji (1868-1912) pour qu’apparaissent les yose, les théâtres populaires où viennent se divertir les habitants du quartier.

Le répertoire du rakugo réunit des classiques mettant en scène les habitants de l’ère Edo (1603-1868) et des histoires contemporaines qui se moquent de la société japonaise actuelle. Outre le comique de situation, le rakugo se distingue par ses calembours, les quiproquos et autres jeux de mots dont le public japonais est friand.

Le rakugoka (conteur de rakugo) débute sa carrière en tant que zenza. Quand il gagne en expérience et en popularité, il devient futatsume. Enfin, les plus brillants se hissent au rang de shin’uchi. Cette distinction leur donne le droit d’accueillir et d’enseigner leur art à des disciples.

Les codes :

Le rakugoka fait son entrée sur scène au son du debayashi, un jingle propre à chaque conteur joué en coulisse avec des instruments traditionnels. Il se positionne en seiza sur un zabuton, placé au centre du kôza (scène). Afin d’évaluer son public, le rakugoka se lance avec son makura. Il s’agit d’une introduction qui permet à l’artiste d’analyser les réactions des spectateurs, et ainsi d’adapter son jeu et sa narration. C’est à cet instant que le public découvre l’histoire qui sera contée. Le rakugoka enlève le haori qui recouvre son kimono, et signifie qu’il est prêt à débuter le hondai, le récit.

Le conteur de rakugo interprète les différents rôles des histoires : marchands, courtisanes, samourais, moines,… toutes les personnes évoluant à l’ère Edo. Il utilise un sensu (éventail) et un tenugui (tissu japonais) pour retranscrire les différentes actions et personnalités des protagonistes. En plus de sa diction, le talent du rakugoka se trouve dans une gestuelle parfaitement maîtrisée. Il tient en haleine le public jusqu’à l’ochi, une chute humoristique et moralisatrice qui vient conclure son récit.

Les étrangers dans le rakugo :

La tradition orale ne s’est pas fermée aux étrangers. Le premier a avoir été reconnu dans la profession est Henry James Black originaire d’Australie. Il est arrivé au Japon quand il était enfant. Son père était chanteur et éditait des journaux au Japon. Ce contexte familial a permis au jeune Henry de se familiariser avec la langue japonaise, jusqu’à la maîtriser parfaitement. Cela lui vaut l’admiration des japonais qui le découvrent sur scène sous le nom de Karakutei Black. Il écrit et publie ses propres histoires et d’autres adaptées d’histoires européennes comme “Le Zoo”. Le maître de rakugo San’yutei Enchô I finit par le prendre sous son aile.

A l’occasion de Japan Expo, le public a pu assister à la conférence menée par Stéphane Ferrandez, un rakugoka français, et Sandrine Garbuglia, autrice du livre “Histoires tombées d’un éventail” (recueil d’histoires du répertoire du rakugo). Tous deux ont reçu l’enseignement du maître Hayashiya Someta, un conteur de rakugo basé à Ôsaka. En plus des explications sur cet art, Stéphane Ferrandez a interprété quelques histoires dont le célèbre Jugemu, un grand classique du rakugo. Le conteur s’est également produit lors de la soirée événement organisée par les éditions Ki-oon à l’Olympia. Il était accompagné de Cyril Coppini, un autre rakugoka français.

Rakugo et pop-culture :

L’art du rakugo inspire les auteurs et scénaristes qui mettent cet univers particulier et ses coulisses en scène dans leurs œuvres : cinéma, séries télévisées, mangas,…

On peut notamment citer le drama Tiger & Dragon (disponible sur Netflix). La série présente Toraji, un jeune yakuza qui ne sait pas raconter ses histoires. Un jour, il doit réclamer de l’argent à un homme endetté auprès de son patron. Toraji le suit alors qu’il s’échappe par les toilettes, et atterrit dans un yose d’Asakusa. Quelle fut sa surprise de voir l’homme qu’il suivait entrer sur la scène ! Il s’agit de Hayashiatei Donbei, un maître de rakugo. Fasciné par le spectacle auquel il vient d’assister, Toraji demande au maître de le prendre comme disciple en échange de sa dette. C’est ainsi que le yakuza entre dans la famille du rakugoka tout en continuant à travailler pour son clan.

La notion de famille est également très présente dans le manga Le rakugo, à la vie à la mort (5 tomes, série complète) édité chez Le Lézard Noir. A sa sortie de prison, Kyoji se met en tête de retrouver maître Yakumo un conteur de rakugo ayant fait une représentation au centre pénitentiaire où il était détenu. Contre toute attente, le rakugoka accepte de prendre Kyoji pour disciple alors qu’il a toujours refusé de transmettre son savoir à autrui. Kyoji, renommé Yotarô, fera connaissance avec Konatsu, une jeune femme vivant sous le même toit que le maître et fille de son ami décédé, le rakugoka Sukeroku Yûrakutei. En plus d’être une plongée dans le monde du rakugo, la série parle de l’héritage de cette tradition.

Bien qu’il soit un art traditionnel japonais, le rakugo semble être en constante évolution. L’émission Shôten, diffusée tous les dimanches soirs depuis 1966 sur Nippon TV, fait sortir le rakugo des yose. En novembre 2021, Katsura Niyô est la première femme à remporter le prix annuel des jeunes conteurs de la NHK. Une victoire très remarquée car, sur les 800 rakugoka recensés, on ne compte que 7% de femmes ! Plus de 400 ans après son apparition, le rakugo continue d’éveiller l’intérêt du public et touche les nouvelles générations, au Japon comme à l’international.

Rakugo France : http://www.rakugo.fr/le-rakugo/

A propos de l'auteur

Coucou c'est Megu ! La culture japonaise influence ma vie personnelle, professionnelle et artistique depuis de nombreuses années. J'écris principalement des articles Mode, mais il y a tant de choses dont j'aime parler à propos du Japon !

Un commentaire

  1. メグさん、どうもありがとうございました。

    Merci beaucoup Megu san d’avoir parlé du Rakugo au Japon et de sa diffusion en France à travers les mangas, le livre et nos spectacles ^ ^ .

    À très bientôt !

    Amicalement,

    S.F.

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