Rencontre littéraire avec Ryoko Sekiguchi, écrivaine aux multiples facettes
L’écriture est un art qui évolue avec nous. Tout le monde peut écrire sur tout, partout et dans un temps imparti. C’est ce que nous a enseigné la grande écrivaine Ryoko Sekiguchi lors de la rencontre littéraire animée par Lauren Malka, à l’école d’écriture Les Mots à Paris. Durant 1h30, Ryoko nous a raconté son parcours de son enfance à ses futurs projets, nous a proposé des exercices d’écriture et s’est retrouvée face à des questions quelque peu inattendues ! Retour sur une soirée riche de mots et d’émotions.
Au cœur du Quartier Latin, berceau de la littérature française
Quand Ryoko Sekiguchi annonce sur Instagram cette rencontre littéraire qui se déroulera le 21 septembre, je saute sur le lien d’inscription et confirme aussitôt ma venue. C’est une première pour moi, je n’ai jamais participé à ce genre de d’évènement, pas même à une conférence littéraire. L’occasion de découvrir un nouveau lieu : l’école d’écriture Les Mots, où des écrivains reconnus viennent transmettre leur savoir. Située dans le Quartier Latin, l’atmosphère de ces rues nous plonge déjà dans un roman.
Une ambiance studieuse règne dans cette école aux murs blancs pour laisser libre cours à son imagination. C’est au sous-sol que nous attendent Ryoko et Lauren, qui discutent de l’organisation de la rencontre pendant que nous prenons place dans cette pièce intimiste et chaleureuse. J’accapare un fauteuil qui me semble très confortable pour profiter dans les meilleures conditions des échanges que je m’apprête à entendre. Lauren Malka, journaliste, autrice et créatrice du podcast Assez Parlé, nous explique le déroulé de la soirée. Cette rencontre est diffusée en live pour les participants qui n’ont pu venir et cet échange sera aussi à retrouver sous format podcast.
« Traduire un texte, c’est la liberté de recommencer de zéro et devenir un autre écrivain ».
La discussion débute par l’enfance de Ryoko, où elle évoque ses premiers écrits et ses souvenirs précieux auprès de son grand-père, avec qui elle est très fusionnelle. À 17 ans, Ryoko voit l’un de ses poèmes publié dans une revue littéraire d’une maison d’édition japonaise. Ce dernier lui permet de remporter un prix de littérature, bien que le besoin vital de parler une autre langue que le japonais grandi en elle.
Pour Ryoko, traduire lui permet d’incarner d’autres personnalités que la sienne et apparente le métier de traducteur à celui d’acteur. Pouvoir devenir quelqu’un d’autre, car une langue étrangère englobe aussi une culture et une histoire qui lui est propre, indissociable à la connaissance d’une langue.
« Écrire, c’est le meilleur moyen pour partager »
Les écrivains peuvent être amenés à changer leur style d’écriture durant leur carrière. Ce fut le cas de Ryoko en 2011, pour qui ce changement a été déclenché par le choc de la triple catastrophe au Japon (séisme, tsunami, accident nucléaire). Moment fort pour nous de l’entendre expliquer que ce traumatisme provoque en elle la nécessité de passer de la poésie à la prose mais aussi d’écrire directement en français. Nait alors ce besoin de donner une voix aux autres. Écrire pour raconter des histoires et des expériences que des personnes ont vécu. De cette catastrophe en découle le livre Ce n’est pas un hasard, qui sera suivi par d’autres « livres collectifs » comme elle les appelle, avec Sentir ou encore 961 heures à Beyrouth (et 321 plats qui les accompagnent).
Mettre des mots sur du non papable.
Quelle émotion d’entendre Ryoko évoquer l’élaboration de son livre Nagori, qui m’a marqué et m’a fait réaliser tant d’évidences. L’art de Ryoko, c’est de rendre poétique les choses anodines de la vie. Elle nous explique que certains termes japonais sont compliqués à décrire en français :
« Traduire c’est réfléchir sur les mots mais aussi sur les différences culturelles. Pour Nagori, il m’aura fallu un livre entier pour détailler en français ce concept très japonais ! », nous dit Ryoko en mentionnant ensuite : « Écrire est un acte solitaire mais en même temps, c’est un bon moyen pour partager. Par exemple, Nagori a créé un sentiment commun, où l’on se sent moins seul dans notre nostalgie. Nous nous sommes retrouvés entre nagorique ! »
Si l’on pense aussi à ses livres comme L’Astringent et Fade, son but est finalement de recueillir des archives sensoriels. Car pour Ryoko, on perçoit le monde extérieur grâce aux 5 sens (et nous sommes bien d’accord avec elle).
Ryoko Sekiguchi en trois mots : spontanéité, nostalgie et croyances.
Durant la rencontre, on apprend un peu mieux à connaitre Ryoko. Lors d’un exercice d’écriture, elle nous demande de décrire la voix de Lauren ou d’elle-même, en trois mots. Deux participants lisent leur texte et les deux se font résonance. Ils comparent la voix de Ryoko à un doux cliquetis d’eau sur les roches d’une rivière. Une description commune qui nous a amusé et que Ryoko a adoré ! Il était évident en effet de comparer sa voix à des éléments de la nature, auxquels elle prête tant d’importance. Pour Ryoko, une 4ème personne pourrait exister (autre que je, tu, il) , comme le pensent les aïnous (peuple autochtone appelé aussi Utari, vivant dans l’ile d’Hokkaido). Ils croient à la vie des éléments de la nature et y prêtent autant d’importance qu’envers n’importe quel Être humain. Notre écrivaine nous confie sa recherche de liberté dans l’écriture. Faire parler des objets ou des éléments de la nature comme l’air, le feu… Une artiste superstitieuse envers les mots, qu’elle considère comme une religion. Alors quand un participant lui demande quel est son mot préféré, en français et en japonais, elle ne préfère pas répondre pour ne pas attirer les foudres des mots ! Mais tout de même, elle finit par craquer en nous révélant que le mot qu’elle n’aime pas en français serait « profit » et en japonais « ikigai ».
Un échange inoubliable entre Ryoko, Lauren et les participants.
Plusieurs exercices nous sont proposés, comme expliquer une recette, écrire sur la première chose que nous avons touché à notre arrivée à l’école Les Mots, ou encore décrire la voix de Ryoko ou de Lauren en trois mots. Je me suis prêtée à l’exercice de la recette, avec une grande hésitation : valait-il mieux que je lise à voix haute un texte dont je redoutais fortement la qualité ou bien ne rien dire ? Mais j’ai choisi la première option, de peur de regretter de ne pas avoir participé à l’exercice proposer par une telle écrivaine. Un sentiment de confiance se dégageait dans la pièce et l’on se sentait finalement à l’aise de pouvoir s’exprimer, comme Ryoko l’a fait à cœur ouvert devant nous ce soir-là. Les textes que les participants ont lu étaient d’une grande qualité et ont d’ailleurs laissé Ryoko sans voix quelque fois. Je suis certaine que les plus timides devaient aussi avoir de très beaux textes entre leurs mains. Pour conclure la soirée, Ryoko s’est prêtée au jeu des questions réponses comme par exemple “Écrivez-vous le ventre vide ou le ventre plein ?” et vous, qu’auriez-vous répondu ?
Un grand merci à Ryoko Sekiguchi d’avoir partagé les moments de sa vie d’écrivaine avec nous, à Lauren Malka de nous avoir convié à cette rencontre et à l’école Les Mots de nous avoir accueillis.
La rencontre littéraire sera à retrouver en intégralité en format podcast très bientôt dans le prochain épisode de Assez Parlé.
Ryoko Sekiguchi
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École Les Mots (4 rue Dante, 75005 Paris)
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