mercredi 16 octobre | 03:35

Nihonshu, le vrai nom du Saké japonais

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Au Japon, le terme “saké” désigne l’ensemble des alcools. C’est pour cette raison que les Japonais parlent plutôt de “nihonshu”, littéralement “alcool du Japon”.

Ce saké diffère des autres alcools servis dans les restaurants chinois et vietnamiens d’Europe, appelés trompeusement saké par les consommateurs ou les serveurs. Il s’agit alors le plus souvent d’alcool de sorgho parfumé à la rose Mei Kwei Lu. L’agent qui est à la base de leur transformation en alcool est un champignon (Rhizopus oryzae) diffèrent de celui du nihonshu (koji), et ce sont en général des alcools distillés (54% d’alcool), le nihonshu étant un alcool fermenté (11 à 20% d’alcool).


Mais laissez-moi vous expliquer tout ça en détails.

La fabrication du saké de riz aurait été introduite de Chine au Japon peu après la riziculture, au 3ème siècle. L’inoculation du ferment était des plus primitives, dite kuchikami : « mâché dans la bouche », les céréales cuites étant saccharifiées par la salive, et la fabrication du saké se disait kamosu, dérivé du verbe kamu (mâcher, mordre).

Koji : levure pour le saké

Au 8ème siècle, le saké reçoit ses lettres de noblesse par un édit de la cour impériale, en même temps que les deux religions nipponnes codifient son caractère sacré, en l’intégrant à certains rites. Au 9ème siècle, on trouve des écrits parlant du « riz additionné de kōji et d’eau ». Jusqu’au 13ème siècle la demande en saké explose et son prix dépasse celui du riz. Les temples fabriquant du saké se multiplient. Bientôt on découvre la technique du double ensemencement. Le précurseur du saké actuel était né.
Au 15ème siècle, à Nara, la fabrication de grandes cuves donne un coup de fouet à la production de masse et de nombreux « saké de pays » voient le jour.


C’est au cours de l’époque d’Edo qu’un brasseur de Nara découvre l’importance de la minéralité de l’eau sur la qualité du saké. La qualité d’un saké dépend de trois facteurs essentiels définis par la formule waza-mizu-kome :
• le savoir-faire (waza) du maître brasseur ;
• la qualité de l’eau (mizu) ;
• la qualité du riz (kome) et le degré de son polissage.
Les proportions requises sont 80 % d’eau et 20 % de riz.

Les riz sont soigneusement sélectionnés parmi une centaine de variétés à saké. Ils se caractérisent par la grosseur de ses grains, la présence d’un cœur blanc et opaque au centre du grain, et sa faible teneur en protéines.
Le riz est d’abord poli pour le débarrasser du son (qui est à l’origine d’arômes désagréables après la fermentation), des graisses et de l’albumine, jusqu’à ne laisser que le cœur du grain, riche en amidon. Ce pourcentage, exprimant le résidu, varie d’un type de saké à l’autre. Plus le grain est poli, plus le taux de polissage sera bas, et plus le saké sera fin. C’est le « seimaibuai ».

Le riz est ensuite lavé pour le débarrasser des résidus collés au grain après le polissage. Le riz est ensuite immergé le temps qu’il atteigne une certaine teneur en eau, puis il est cuit à la vapeur.
On entre ensuite dans un phase de fermentation. Le riz cuit à la vapeur va rencontrer le Koji-kin qui au bout d’une 40aine d’heures donnera la fameuse levure qui entrera dans la composition finale du saké : le Koji. De là on prépare également le shubo, un mélange de kōji, de riz blanc cuit à la vapeur, d’eau et d’un mélange de levures pures. Le but est de développer la population des levures qui aura la charge de transformer le sucre en alcool. Cette préparation s’étale sur une durée de deux semaines.

Il existe trois méthodes pour réaliser le shubo, la plus courante étant la plus rapide (14 jours), appelée sokujo-moto, avec ajout de ferments lactiques pour la protection contre les bactéries, et qui représente 90 % de la production japonaise.
La fermentation alcoolique se fait grâce à l’action des différentes levures sur le mélange eau-riz-kōji-shubo appelé moromi, et dure de quinze jours à un mois.
Le riz est ensuite pressé pour en extraire le jus qui deviendra le saké. On laisse ensuite le saké clair reposer afin de laisser le temps aux derniers solides de se déposer dans le fond de la cuve. Le saké peut ensuite être clarifié au charbon, ce qui va ajuster la saveur et la couleur.
La plupart des saké sont ensuite pasteurisés, généralement une seule fois pour éliminer les dernières bactéries et les enzymes. Le saké est ensuite généralement laissé au repos pendant quelques mois. Avant embouteillage, de l’alcool distillé est parfois ajouté, puis le saké est mélangé avec de l’eau pure pour réduire le pourcentage d’alcool. Sauf exception, le saké ne se conserve pas plus d’un an après sa mise en bouteille, en fonction du pourcentage de riz restant après polissage, de l’addition ou non d’alcool et de la technique de brassage. Le Tokutei-meishōshu équivalent de l’« appellation contrôlée, de qualité supérieure » française représente environ 20 % du marché. Pour ce type de saké, le taux de kōji est obligatoirement supérieur à 15 %.

LA PASTEURISATION DES SAKÉS | Monsieur Saké

La pasteurisation

Pour les saké avec addition d’alcool distillé avant la filtration, les appellations sont :
• Honjōzō-shu : seimai-buai de moins de 70 %. C’est le plus vendu des sakés supérieurs.
• Tokubetsu honjōzō-shu : seimai-buai inférieur à 60 %, ou produit par une technique de brassage particulière.
• Ginjō-shu : seimai-buai de moins de 60 %.
• Daiginjō-shu : seimai-buai inférieur à 50 %.
Pour les saké sans addition d’alcool, les appellations sont :
• Junmai-shu : seimai-buai libre, à condition de préciser le taux sur l’emballage.
• Tokubetsu junmai-shu : seimai-buai inférieur à 60 %, ou produit par une technique de brassage particulière.
• Junmai ginjō-shu : seimai-buai inférieur à 60 %.
• Junmai daiginjō-shu : seimai-buai inférieur à 50 %. Il est considéré au Japon comme le sommet de l’art du brassage, donnant un bouquet subtil mais aromatique, une saveur fruitée et complexe, et son prix est en conséquence très élevé.

On pourrait comparer le nihonshu à nos vins français tant les méthodes, les saveurs, les goûts, et les qualités varient. On parle aussi de « château » pour les nombreuses brasseries qui les produisent. Chaque région du Japon a son cru, les préfectures de Niigata et d’Aomori sont très renommées, mais de modestes saké de pays peuvent être surprenants.

Que boire au Japon : le Saké ou le Nihonshu ? - La Libre

En 1975, la consommation annuelle de saké au Japon était de 16,7 millions d’hectolitres. En 2010, elle a baissé à 5,89 millions d’hectolitres, une baisse due notamment au manque d’intérêt des jeunes. Mais depuis quelques années les exportations ont plus que doublé : le saké japonais semble avoir trouvé une seconde jeunesse auprès des amateurs étrangers.
En 2013, on comptait environ 1 500 brasseries au Japon.

Alors me direz-vous comment choisir et boire ce breuvage à sa juste valeur ?
Pour le choisir tout dépend de vos gouts ou de vos envies, le saké japonais peut être fruité, minéral, sec, doux, astringent. Le mieux est de demander conseil à un sommelier.
Le saké peut être apprécié à différentes températures : froid, chambré, ou chauffé. Pour profiter de son goût naturel, il est préférable de choisir un saké « sec » (karakuchi) et de le rafraîchir (Hiya se dit d’un saké servi froid (8 à 12 °C)).
Pour profiter du bouquet, choisir des crus riches en arômes (amakuchi) et les réchauffer (Kan se dit d’un saké chauffé traditionnellement au bain-marie, mais de plus en plus au four à micro-ondes, qui dispose au Japon d’un programme spécifique, kanzaké). Selon la saveurs dominantes du cru, il accompagnera soit un poisson, une viande, ou même un dessert.

On conserve le saké dans des tonneaux en bois mais on peut aussi le conserver dans des bouteilles traditionnelles.

Komodaru : baril en bois de cèdre traditionnel

Le saké est servi à l’aide d’un shuki, un service composé de pièces variées. Plusieurs sortes de coupes ou verres à saké existent : guinomi, coupe d’environ 6 à 8 cm de diamètre ; choko, coupe d’environ 4 cm de diamètre ; ou encore masu, gobelet cubique en bois. Enfin, les sakazuki sont des coupes très évasées en porcelaine utilisées essentiellement pour les cérémonies comme lors d’un mariage shintoïste.

Au Japon on pratique le “kagami biraki”. On brise le couvercle d’un tonneau de saké afin de le déguster lors d’une cérémonie shinto pour le nouvel an ou pour une célébration officielle.
La coutume veut qu’on verse le Ôsaké (formule honorifique) dans le verre des autres et qu’on ne se serve pas nous-même par politesse et convivialité.

Il y a encore tant à dire sur le saké japonais, j’espère ne pas vous avoir soulé avant d’y avoir gouté.
Et rappelez-vous, l’alcool est bien meilleur quand il est bu avec modération !

 

A propos de l'auteur

Hello, je suis Kyalolu: rédactrice cuisine japonaise. Tombée dans la culture japonaise quand j’étais petite, je partage avec vous ma passion pour ce beau pays aux travers de sa gastronomie. Itadakimasu! ^_^

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