vendredi 29 mars | 15:23

Madame Wasabi, drag-queen japonaise à Paris

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Madame Wasabi, drag-queen japonaise à Paris

C’est l’histoire d’un garçon de Tokyo, qui rêve de vivre en Europe pour exercer pleinement sa passion pour le chant lyrique. Au fil du temps, il comprend qu’il sera bien plus qu’un chanteur. Un performer, un artiste, une drag-queen. Il devient Madame Wasabi, une personne si sensible et attachante. À travers son art du drag, il devient désormais le représentant de la communauté japonaise dans le drag français. Lever de rideau sur son parcours haut en couleurs.  

Le rêve européen 

Madame Wasabi vient de Tokyo et a grandi à Shibuya. À l’école, il intègre le club de choriste car c’est quand il chante qu’il se sent vraiment bien. Après ce premier pas dans la musique, il s’inscrit à l’école de musique pour suivre une formation de chanteur lyrique. Mais pour vivre au quotidien sa passion, il lui faut partir en Europe. En chant, il préfère les voix plus sensibles, à la manière anglaise et part alors pour Londres où il restera 3 ans. Il doit ensuite retourner au Japon où il entretient sa passion pour le chant en tant que choriste professionnel. Lors de ses 30 ans, c’est le départ pour la France : « Je pars à Paris car j’aime les compositeurs classiques français. Mais c’est aussi car je me sens bien avec les français et je les trouve très ouverts d’esprit. À Paris, je me sens à l’aise en tant qu’artiste ».

Madame Wasabi à la première édition de Drag Rice en juillet 2022

Madame Wasabi à la première édition de Drag Rice

Les premiers pas dans l’univers du drag

C’est en 2017, après être arrivé à Paris, qu’il devient peu à peu Madame Wasabi. Grâce à sa meilleure amie, Alice Psycho, drag-queen française, il commence le drag : « Je l’ai rencontrée au Japon et elle a accepté de m’héberger un moment à mon arrivée à Paris. Ma première fois en drag, c’était lors d’un mariage où j’ai chanté Ce rêve bleu habillé en Jasmine. Tout le monde est resté bouche bée devant ma performance ! ». Mais aux débuts de Madame Wasabi, c’est aussi Cookie Kunty (drag-queen parisienne) qui a beaucoup fait pour lui : « Je l’admire énormément, c’est un exemple pour moi. Même très occupée, elle prend soin des autres, peu importe la popularité. C’est désormais mon amie ».

Cookie Kunty et Madame Wasabi

Cookie Kunty et Madame Wasabi

La naissance de Madame Wasabi

Il lui fallait un nom facile à se rappeler, qui puisse rester compréhensible partout. Madame pour la France et Wasabi pour le Japon : « Le wasabi n’est pas l’ingrédient principal dans les plats. On le trouve caché à l’intérieur mais on le sent très fort. Je me compare un peu à lui ! ».

Côté inspirations, il s’inspire des mangas et animés. Car enfant, il regardait beaucoup d’animés et aimait particulièrement les personnages secondaires, qui apportent souvent plus à la série que le personnage principal. Comme dans Sailor Moon : « Ma favorite au début était Venus. Mais par la suite, j’ai préféré Neptune et Uranus, car j’ai compris plus tard qu’elles formaient un couple. La mangaka Naoko Takeuchi a mis des personnages lesbiennes et queer dans son manga. Ce qui est fou car avant, les gays étaient représentés de manière fun et « naughty » avec bien trop de stéréotypes ».

Neptune et Uranus - Sailor Moon

Neptune et Uranus – Sailor Moon

Rester fidèle à soi-même

Lors de ses performances en tant que Madame Wasabi, il peut être lui-même, chanter la chanson à sa manière : « Quand je chantais au conservatoire, si je devais interpréter Escamillo dans Carmen, ce personnage ne me correspondait pas car il n’avait rien à voir avec mon identité. Désormais, quand je chante une chanson d’Édith Piaf, je l’interprète à la manière de Madame Wasabi. C’est pour ça que je préfère être une drag-queen plutôt qu’un chanteur d’opéra ».

©jurskuu

© @jurskuu

La scène drag au Japon

Grâce à Madame Wasabi, j’apprends que les grandes scènes drag au Japon se trouvent à Tokyo et Osaka. Osaka a ce côté comédie, blagues salaces… Et Tokyo ressemble un peu à Paris : sophistiqué, avec de grands shows. Il y a 10 ans au Japon, l’art du drag était très underground, faisant partie de soirées ou se regroupaient drag-queens, voguing, burlesque… Maintenant, grâce à l’émission Drag Race, le métier de drag-queen s’est popularisé : « Les drag-queens sont devenues instagrameuses, makeup artists professionnelles, hosts pour des shows, écrivent des articles sur la communauté queer… Certaines drag-queens ont leur propre bar alors qu’avant, elles étaient dans les bars pour faire consommer les clients, comme des hôtesses. De nos jours, le pays s’ouvre désormais un peu plus à cette culture ».

Le drag pour faire découvrir la culture japonaise

Madame Wasabi avoue devoir en apprendre plus sur sa propre culture : « Des fois, je porte un kimono mais au début je ne savais pas comment le porter. Maintenant je veux mixer la culture française et japonaise. Quand je fais un playback en français sur Édith Piaf ou Dalida, j’aime ajouter une danse japonaise avec des éventails. C’est une danse traditionnelle de Kyoto que j’apprends avec une professeure spécialiste de ces mouvements ».

Le but de Madame Wasabi est de toucher la communauté queer mais aussi les passionnés du Japon. Son art du drag lui permet de faire découvrir la culture japonaise à son public : « Je trouve que dans les évènements sur le Japon en France, on voit peu de jeunes (à part la Japan Expo et les évènements pop culture). Dans mon show, je peux inclure plusieurs arts japonais pour donner envie aux spectateurs d’en savoir plus sur ma culture ».

©Nicolas De Bouville

©Nicolas De Bouville 

Un rôle à tenir pour la communauté LGBT et asiatique

Être drag-queen, c’est aussi devenir l’ambassadeur de plusieurs communautés : « Je pense que dans la communauté LGBT, on ne voit pas beaucoup d’asiatiques ainsi que dans le public des drag show. Certainement car ils sont timides, ou croient que ce n’est pas pour eux. C’est en partie pour cela que nous avons créés The Rice Queens, un collectif de drag-queens d’origine asiatique. Beaucoup d’asiatiques n’osent pas dire qu’ils sont homosexuels. Bien sûr, chacun a sa raison de se cacher. Mais de mon expérience, certains asiatiques homosexuels ne veulent pas faire leur coming-out car ils ont peur de rendre tristes les grands-parents, les ainés. Il y a de grandes attentes de la part des familles concernant le mariage, avoir des enfants, mais de manière hétérosexuelle. Alors qu’être heureux n’a rien à voir avec son orientation sexuelle ». « Aussi, certains japonais pensent que les drags ne font que du makeup et que je suis toujours en Madame Wasabi. Mais ils ne connaissent pas les différences entre transgenres, drag, non binaire… Je pense qu’à Paris les gens comprennent mieux ces choses qu’au Japon. Même si au Japon les mentalités évoluent ».

The Rice Queens Show

The Rice Queens Show

Un futur très prometteur

L’un de ses rêves serait de parcourir le monde et de se produire dans des festivals de saké, sur le Japon… Mais son projet sans limites, c’est la représentation de ses communautés : « L’année dernière, j’ai été figurant pour les crevettes pailletées et maintenant il sort au Japon ! Le tournage devait se dérouler au Japon mais à cause du confinement les scènes ont été tournées en France. Ils avaient besoin d’une personne japonaise et queer et j’étais le seul à répondre à ces critères ! Et bien sûr avec le collectif Rice Queens, nous avons de beaux projets à venir… »


Merci infiniment à Madame Wasabi pour m’avoir ouvert les portes de son univers et d’avoir partagé pour Japan Glossy son expérience en tant que drag-queen. 

Retrouve Madame Wasabi :

Sur Instagram : @madamewasabi
Sur scène : The Rice Queens Show
Au cinéma : Trois nuits par semaine (sort en salle le 9 novembre 2022).

A propos de l'auteur

Irasshaimase ! Passionnée de cuisine nippone, qu’elle soit populaire ou étoilée, je vous partage mes coups de cœur de restaurants japonais et bien plus encore !

Un commentaire

  1. Merci pour cette interview hyper intéressante ! Ça fait plaisir de voir que la communauté drag trouve en France un accueil chaleureux. C’est grâce à des personnes comme Madame Wasabi que les mentalités évolues 💜

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