Les kits de piercings à faire soi-même sont très courants au Japon. Les nombreuses interdictions liées à l’apparence dans les établissements scolaires encouragent les jeunes à le faire en cachette. Quitte à se percer eux-mêmes entre amis dans les toilettes publiques.
Les générations passées se perçaient même les oreilles avec des épingles à nourrice. Aujourd’hui, la norme est d’acheter un perceur à usage unique et de se faire aider de ses amis ; de s’armer de courage et d’essayer la simple aiguille soi-même ou, dernière option : de se rendre à l’hôpital ! Oui à l’hôpital pour se faire percer les lobes des oreilles. Si vous pensiez aux piercings du cartilage, détrompez-vous, je parle simplement de nos banales boucles d’oreilles. Les boucles d’oreilles sont, en effet, interdites à l’école et ont une mauvaise image !
Différences culturelles
En France, on se fait percer les lobes des oreilles enfant ou très jeune. Personnellement, j’avais 6 ans. Je me souviens encore très bien de ce jour, j’étais très heureuse à l’idée de porter un joli bijou en or.
D’après le site français Pédiatre Online, certains parents veulent même percer les oreilles de leurs enfants alors qu’il est encore bébé. En France, la tranche d’âge de 18-24 mois serait considérée comme « convenable ». D’autres sources parlent d’attendre au minimum les 3 ans de l’enfant. En tout cas : le perçage des oreilles s’effectue en général dans la petite enfance en France.
Une hérésie totale au Japon !
Une longue histoire de boucles d’oreilles
Si pour nous, les boucles d’oreilles sont si banales c’est parce qu’elles ont une longue histoire. Dans les Alpes, un homme momifié datant de 3500 ans, avait les lobes percés. Au 3 ème siècle avant J.-C. Les Minoens, une civilisation crétoise, portaient déjà des boucles d’oreilles en or, comme bijoux décoratifs.
Porter des boucles d’oreilles au Japon est mal perçu par la société
Au Japon, c’est tout le contraire, les boucles d’oreilles sont considérées comme des piercings. Il n’y a notamment pas de différence linguistique entre nos boucles d’oreilles (pour le lobe) et les autres piercings. Tous les trous de l’oreille, même le lobe sont appelés piercings.
Elles peinent donc à être acceptées par la société et souffrent encore de la mauvaise image qui leur est attachée. À tel point que certaines femmes se demandent encore si elles peuvent en porter lors de leur cérémonie de mariage. En effet, les boucles d’oreilles étaient considérées comme portant malheur car le trou du lobe revenait à faire un trou dans la vie de mariage. Mais dorénavant, cela ne pose plus de problème.
Les écoles et certains lieux de travail les interdisent également.
Certains hôpitaux refusent ainsi de percer les oreilles des enfants de moins de 12 ans ou disent ne pas effectuer de piercings sur les collégiens. Au Japon, les enfants, collégiens et lycéens ne portent donc pas de boucles d’oreilles. Un contraste surprenant avec nos habitudes françaises.

» Pourquoi ce n’est pas bien pour les collégiens d’avoir des boucles d’oreilles ! «
Campagne de culpabilisation des parents et des jeunes japonais
Alors que se passe-t-il lorsqu’un Japonais souhaite braver les restrictions ? Il se heurtera à une avalanche de remarques négatives et à une véritable campagne contre le perçage des boucles d’oreilles. La société japonaise cherche à effrayer parents et enfants, en démontrant que les boucles d’oreilles sont associées aux délinquants.
On rappelle aux parents :
« Le plus important est de réfléchir à la manière dont les autres vous perçoivent, à ce que pense la société, aux règles de l’école, et aux conséquences des cicatrices dues au perçage des lobes lors d’une future recherche d’emploi. »
« Les gens vous diront être choqués de voir un collégien avec des boucles d’oreilles aux deux oreilles. »
On effraie les adolescents leur disant :
« Te faire percer les oreilles pourrait changer ta relation avec les autres. Tu pourrais perdre tes amis et être approchée par un mauvais garçon. »
« Prends soin du corps que tes parents t’ont donné. »
« Même si tu enlèves les boucles d’oreilles, les trous se verront et tu auras du mal à trouver un travail convenable. »
« Tu dois suivre les règles de l’école pour apprendre à respecter celles de la société. »
L’école au Japon est en effet le reflet de la société japonaise. Il s’agit de former les jeunes à suivre les règles, pour pouvoir ensuite bien s’intégrer dans la vie active.
Les earrings VS Pierce

Les earrings VS Pierce/ crédit cream dot.co
Attention si vous demandez des earrings (la traduction anglaise de nos boucles d’oreilles) au Japon, on vous apportera le type qui se clipse aux oreilles.

earrings. cream dot.co

Earrings. Crédit cream dot.co

Les earrings se clipsent aux oreilles. Crédit cream dot.co
Ce type de boucles d’oreilles, qui ne nécessite pas de trou, est très répandu auprès des personnes qui n’ont jamais pu se faire percer.
La dernière fois que j’ai vu ce type d’accessoire en France c’était dans une boutique vintage de Paris…
Au Japon on trouve encore ces earrings partout et l’illusion est parfaite ! Il est vraiment difficile de savoir qui a réellement les oreilles percées.

L’illusion est parfaite ! Crédit cream dot.co
Le mot pierce est ainsi utilisé aussi bien pour désigner les boucles d’oreilles que pour les piercings.
Les kits de piercings à faire soi-même
La loi japonaise interdit à toute personne autre qu’un médecin de percer une tierce personne. Le perçage est en effet considéré comme une procédure médicale et est généralement effectué dans un hôpital.
Cependant, les adolescents qui n’ont pas le droit d’être percés ou ceux qui ne souhaitent pas se rendre à l’hôpital optent alors pour la méthode DIY (Do it yourself), en utilisant des kits de perçage à faire soi-même.

Un kit de perçage à faire soi-même
Le kit contient un perceur à usage unique qui permet de percer facilement les oreilles, un peu comme une agrafeuse, ainsi que le bijou de première pose. Ce dernier est inséré directement lors du perçage des oreilles. Un perceur fonctionne de manière similaire aux pistolets à boucles d’oreilles autrefois utilisés chez les bijoutiers en France.

Le kit permet de percer facilement les oreilles comme une agrafeuse
Malgré la loi japonaise mentionnée plus haut, ces kits sont disponibles sur le marché et vendus à des prix très abordables (une dizaine d’euros environ). Ils se déclinent sous plusieurs modèles pour les différentes zones de l’oreille à percer.
Le daigaku début : la nouvelle vie d’étudiant à l’université
Enfin libérés des règles dominant leur scolarité, les jeunes sortis du lycée peuvent enfin faire ce qu’ils veulent : se teindre les cheveux, se percer les oreilles, se maquiller.
Une activité répandue consiste ainsi à se percer les oreilles entre amis, à l’aide du kit du perçage, comme un rite de passage à l’âge adulte. Pour cela, tout lieu public équipé d’un miroir fera l’affaire : les toilettes de l’université, le karaoké du coin, les beaux toilettes boudoir d’un grand magasin etc. Autrement dit, un lieu où l’on peut se réunir en groupe.

Une activité répandue consiste ainsi à se percer les oreilles entre amis à l’aide du perceur. Crédit Trilltrill.jp
Tout cela, jusqu’aux prochaines règles imposées par les bureaux japonais, qui domineront à nouveau leur vie plus tard. Certains lieux de travail n’autorisent pas les boucles d’oreilles. Pour éviter de s’attirer les foudres de leurs supérieurs hiérarchiques, certains optent pour des petites puces d’oreille transparentes, tandis que d’autres vont même jusqu’à couvrir leurs trous avec des pansements couleur peau.
Si les Français peuvent être étonnés d’apprendre que les boucles d’oreilles sont interdites dans les écoles et lycées au Japon, les Japonais peuvent être tout autant surpris de voir des enfants étrangers en porter dans d’autres pays. Même si les différences entre la France et le Japon sont fortes, ce n’est qu’une question de culture. Le seul regret est que les jeunes Japonais se sentent poussés à braver les interdictions en prenant des risques avec un kit de perçage ou des aiguilles.