Tout commence à partir d’un rêve, de convictions et d’une passion. C’est l’histoire de Julia Boucachard, qui décide d’honorer les heures passées en cuisine aux côtés de sa mère en créant son restaurant, à son image. Plus déterminée que jamais, Julia se réoriente vers les métiers de la restauration une fois son diplôme de biologie en poche pour acquérir les compétences qui lui manquent. Sur le terrain, elle observe, s’inspire et note précieusement les détails qu’elle remarque tout au long de son apprentissage dans ce nouvel univers. Les bonnes comme les mauvaises expériences sont toujours des leçons à prendre pour affiner son choix afin de reproduire ce qu’il lui parait juste, ou non, dans son futur restaurant. Rencontre avec Julia, qui m’a ouvert les portes du Mori Café.
La création d’un lieu authentique
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Quel est ton parcours ?
J’ai obtenu un diplôme en écologie et environnement à Rennes puis j’ai continué sur un master en alternance en hygiène et sécurité. Mais je n’ai pas apprécié cette dernière année… Je me suis rendue compte que j’avais besoin d’être plus active et de me tourner vers un univers qui me plaisait vraiment.
Depuis que je suis petite, j’aime les ambiances de salon de thés, les cafés et je me suis dit : après l’obtention de mon diplôme je me reconvertie dans la restauration.
J’ai pensé à faire un CAP cuisine mais avant de me lancer dans une nouvelle formation j’ai préféré travailler dans un restaurant en tant que serveuse pour savoir si cet environnement était vraiment fait pour moi. J’ai adoré ce job et cela m’a convaincu à continuer ! J’ai travaillé dans un restaurant français bistronomique quelques mois, puis dans une pâtisserie vegan en tant que barista durant 6 mois. J’ai commencé à travailler sur mon projet mais le temps me manquait et j’ai démissionné pour me consacrer à 100% sur le Mori Café. A ce moment-là, je mettais en place ma communication, le business plan, les études de marchés… Au début, je me sentais perdue, je ne savais pas par où commencer… Mais d’autres entrepreneurs m’ont aiguillée et ont su répondre à mes interrogations.
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Quel a été le processus de la création de Mori Café ?
J’ai été conseillé par « The Family », une entreprise spécialisée en accompagnement de start-up et en marketing. J’ai commencé le compte Instagram avant même d’avoir ouvert, en postant des idées de plats, des informations sur la culture japonaise… Une communauté s’est créée à partir de là puis j’ai lancé la campagne de crowdfunding. Je devais ouvrir en avril 2020 mais le premier confinement est arrivé… Donc les travaux se sont mis en pause et j’ai ouvert en juin lors de la réouverture des restaurants. Le fond de commerce que j’ai repris s’appelait Lotus et Cactus, qui était déjà un restaurant vegan. Donc certains anciens clients sont revenus mais ma clientèle est essentiellement composée des personnes du quartier, de vegan et de japonais.
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Comment as-tu créé l’atmosphère si particulière de ce lieu ?
J’ai travaillé avec un duo d’architectes (dont l’une de mes amies d’enfance, Sanae, fait partie !), qui ont géré la décoration et l’avancée des travaux. Ils ont certains projets au Japon et ont donc pu chiner des objets de décoration directement là-bas. Aussi, les tatamis ont été fait sur mesure au Japon. Cependant la vaisselle est créée par Eugénie, une céramiste très inspirée par l’art japonais.
Une cuisine vegan assumée
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Que représente la cuisine vegan pour toi ?
Vers la fin de mes études, j’ai commencé à arrêter de consommer de la viande puis suis devenue végétarienne. C’est au début du projet que je suis devenu totalement vegan.
Dans les restaurants japonais, l’option vegan est dure à trouver, alors que la cuisine japonaise peut être déclinée en version végétal avec des légumes très variés.
Les sauces et bouillons sont la plupart du temps à base de poisson et de viande alors que, traditionnellement, au Japon, on mangeait peu de viande en se basant sur les légumes et le riz, avec pour base la cuisine bouddhique que l’on appelle shojin ryori.
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As-tu des modèles en cuisine qui t’ont inspiré ?
Mon model est ma mère, je m’inspire de la cuisine qu’elle faisait quand j’étais enfant, mais en version vegan. Elle n’est pas végétarienne mais n’a jamais trop cuisiné de viande. On mangeait à la française quand nous étions en France, donc un peu de viande, puis il était difficile de trouver des produits japonais en France à cette époque. J’ai vécu deux fois deux ans au Japon car mon père a été expatrié là-bas. La première fois, j’étais en maternelle. Nous sommes rentrés en France puis sommes repartis une nouvelle fois quand j’étais en primaire. A mon dernier retour en France, les épiceries asiatiques se sont développées à Rennes et ma mère a pu recommencer à cuisiner japonais à la maison.
La culture japonaise, le coeur du projet
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Quels sont les meilleurs souvenirs de ton enfance au Japon ?
J’ai fait une école japonaise en maternelle puis l’école française en primaire, à Tokyo dans le quartier de Idabashi. Ce qui m’a manqué le plus en revenant en France, c’est la nourriture ! J’avais plus d’appétit au Japon, avec les ramen, les melon pan… A la sortie de l’école, on allait au Konbini pour le goûter. Nos parents nous amenaient souvent dans une chaine de restaurant familial copié sur le modèle américain avec des plats occidentaux aux goûts des japonais.
Il y avait un plat que j’adorais, le doria. C’est un gratin de riz avec de la viande et une béchamel. Je pense même proposer ce plat à la carte du Mori Café, car il est méconnu ici et je souhaite l’adapter en version vegan.
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Quels sont les produits que tu préfères cuisiner ?
J’aime cuisiner les légumes, mais je trouve qu’il y a plus de variétés au Japon. Ils sont souvent plus fins et plus petits qu’en France comme l’aubergine, le poireau… et sont plus faciles à cuisiner. J’aime particulièrement les concombres japonais ! Plus petits qu’en France, son cœur est très gourmand.
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Quel est le plat que tu manges en premier dès ton arrivée au Japon ?
Définitivement le ramen ! Avec mon copain nous avions trouvé un ramen à Kyoto qui proposait un ramen vegan avec daiko, shiitaké kombu, eau du riz et lait de soja. Mais malheureusement celui-ci va fermer, c’est bien dommage ! L’offre végétarienne/vegan est en train de se développer au Japon, surtout entre Kyoto et Osaka. J’ai l’impression que depuis que les touristes sont là, l’offre grandit.
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Comment ta double-culture a-t-elle contribué au développement du Mori Café ?
J’essai de prendre le meilleur des deux cultures. J’ai été principalement baignée par la culture japonaise en étant très proche de ma mère. Au début du projet, j’avais ce côté réservé des japonais au premier abord, en essayant d’aller dans le sens des autres sans les froisser. Mais la restauration reste un monde masculin, où il faut s’imposer et ce côté-là de ma personnalité m’a desservi… De plus, le fait que je sois jeune et une femme, ça ne m’a pas aidé car on ne me prenait pas au sérieux. Ce projet m’a appris à m’imposer d’avantage et avoir confiance en moi. Mon côté français est ressorti à cette période ! Je ne sais pas si c’est entièrement lié à ma culture. Désormais, je suis complètement à l’aise et je n’ai plus peur de m’imposer !
Bien sûr, au Mori Café, je fais tout pour proposer un service à la japonaise, en suivant le concept d’omotenashi (basé sur une hospitalité remarquable et le client avant tout).
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Quels sont tes futurs projets ?
J’ai beaucoup d’idées de nouveaux plats. Aussi, j’aimerais ouvrir le soir et proposer des offres cocktails ! Il y aura la marque de saké Dassai, avec qui nous avons fait des dégustations, ainsi que des umeshu.
Afin de de développer le côté salon de thé, je souhaite aussi mettre en place des ateliers dégustations de thés avec mon barista Benjamin qui gère son comptoir de thés en ligne, curiousitea. Le Mori Café s’y prête bien et je pense qu’il est important de dériver le projet sous différents aspects.
Mori Café, c’est un espace authentique et dépaysant, qui pourra certainement en surprendre plus d’un. Le concept très poussé du café/restaurant typiquement japonais et les suggestions de plats véganes sont étonnantes et démontrent que le quartier de Bastille a encore de belles adresses à nous proposer.
Mori Café
2 Rue des Taillandiers, 75011 Paris
09 87 77 39 69
https://www.moricafeparis.com/
https://www.instagram.com/moricafeparis/
Ouvert du mercredi au dimanche, au déjeuner de 12h00 à 15h00 et au tea time de 15h00 à 18h00.
Fermé le lundi et le mardi.