3 chefs brillants pour 2 poissons d’exception. Telle fut la démonstration sur les produits de la mer du Japon à laquelle nous avons pu assister à l’Institut le Cordon Bleu, organisée par Pasona Agri Inc. Une salle pleine d’étudiants en cuisine prêt à absorber tout le savoir que vont donner Koji Inoue, Yann Rousselot et Matthieu Garrel. Chaque chef nous a concocté des recettes inédites avec la sériole et la Saint-Jacques du Japon. Une chance pour nous de profiter de ces plats mêlant raffinement et techniques.
Pasona Agri-Partners Inc
Tourné vers les métiers de l’agriculture au Japon, Pasona Agri-Partners Inc. voit le jour en 2003 avec des programmes de soutien à la reconversion vers les métiers de l’agriculture. Pasona Agri-Partners Inc. arrive à Paris en 2016, avec Kosuke Tanaka (président de Pasona Agri-Partners Inc.) qui initie le projet « Le Salon du Chef », afin de lier les gastronomes français et les artisans japonais. Il sera ensuite possible de goûter aux produits de Pasona Agri-Partners Inc. à de l’Epicerie Pasona au sein de La Maison du Saké, en collaboration avec Youlin Ly. Pasona Agri-Partners Inc. Afin de redynamiser l’attractivité touristique régionale et de promouvoir la culture culinaire et artistique japonaise, Pasona Agri Partners Inc organise des événements, salons, conférences et propose aussi des études de marché tout en développant des partenariats commerciaux (source pasona-agripartners.fr).
Sensibilisation à l’ikejime
Avant de commencer les démonstrations, une vidéo nous a été projetée sur l’importance de l’utilisation de la technique ikejimé sur la pêche locale. Cette manière traditionnelle de tuer le poisson de manière moins brutale par les pêcheurs, afin d’obtenir une chair plus tendre. Le poisson est mort mais la chair encore vivante, coupée à contre sens du muscle. Cependant, l’ikejimé n’est pas obligatoire si le poisson est mijoté. Mais si on le sert frais, il faut alors que les pêcheurs aient utilisé cette technique.
Sushi traditionnels et mets japonais par le chef Koji Inoue : Nigiri et sashimi de sériole. Saint-Jacques, Shabu shabu de sériole, sauce miso tomate
Koji Inoue
Grâce à ses expériences dans de grands établissements de sushis à Osaka, Fukuoka, Tokyo et au Canada, Koji est désormais chef de son propre restaurant de sushi à Osaka, le Kitashinchi Daiki. C’est le lieu où le chef met en pratique son savoir en préservant la tradition des sushis en y ajoutant une touche de modernité.
Vie de maitre sushi
Avant de commencer la démonstration de ses plats, il nous explique ce qu’est la vie d’un sushi chef, à commencer par faire le marché tous les jours entre 5h et 8h du matin. Il est primordial que ce soit le chef qui s’y rende, car les poissonniers donnent des informations importantes sur la pêche du moment. Comme par exemple au niveau météorologique (typhons, tempêtes…), car cela va influencer la pêche du jour et par la suite le menu du restaurant. Les plats qui seront préparés dépendent des poissons qui seront disponibles sur les étals. Comment reconnaitre un bon poisson ? Qu’il soit gros comme un sumo, avec une peau brillante ! Il faut beaucoup d’expérience pour reconnaitre le meilleur poisson.
Connaître le buri (sériole en français)
Koji nous commente ses gestes précis en donnant de précieux conseils sur la découpe sur le buri : orienter la tête du poisson vers la gauche et le ventre vers nous. Ainsi, la partie du haut au niveau du ventre ne subit pas de pression durant la découpe et sera meilleure (il pourra alors se vendre plus cher). Aussi, plus le poisson sera gras, plus le couteau glissera facilement entre peau et chair. On enlève d’abord la partie liquide, puis on met ensuite du sel pour obtenir une chair plus ferme et éliminer les mauvaises odeurs.
Chez la sériole d’élevage, le gras vient de la tête, que l’on réserve pour les clients les plus importants. Les parties blanches veulent dire que le poisson est gras, donc de très bonne qualité. Mais ce n’est pas parce que le poisson sera plus gras qu’il sera meilleur, tout dépend de ce que l’on souhaite réaliser avec. Ce poisson est excellent avec du daikon. Il faut la faire cuire doucement dans de la sauce soja et du mirin.
Au moment de la confection des nigiri de sériole, Koji nous explique que le riz doit être collant mais pas trop compact. Trois vinaigres sont utilisés dans le riz : le vinaigre rouge à base de marc de saké, la sauce soja et le mirin. Le wasabi dans le sushi est traditionnellement utilisé pour éviter les intoxications alimentaires. Nous n’en n’avons plus besoin désormais grâce au développement des normes sanitaires, mais il est toujours utilisé pour donner un parfum particulier au sushi.
Sushi fusion par le chef Yann Rousselot : Nigiri de Saint-Jacques à la miso truffe et pousse de shiso verte. Sashimi de sériole, vinaigrette pomme Granny Smith et shiso pourpre
Yann Rousselot
Après une longue carrière dans de prestigieux établissements comme Le Pavillon Ledoyen ou encore la maison Lenotre, Yann Rousselot prend la décision de se consacrer essentiellement à la cuisine japonaise. C’est en intégrant Sushi Shop qu’il a pu rencontrer des maitres sushis japonais qui lui ont transmis leurs savoirs et techniques. Suite à de longues années et de nombreuses ouvertures de restaurants à travers le monde, il créé Rousselot Yann Consulting, afin d’orienter d’autres chefs vers la voie du sushi, en les aidant à la création de carte mais aussi dans le développement de concept. En 2018, il décroche le titre de Champion de France de Sushi.
Un dressage sophistiqué et traditionnel
D’une grande justesse, Yann nous montre comment éplucher un daikon au couteau, de manière très traditionnelle. Il nous explique ensuite que les produits utilisés ont marinés entre 12 et 24h avec de l’huile de sésame grillée pour amener un certain croquant. Toujours dans le domaine de la réalisation parfaite, c’est la réalisation de sasagiri : l’art de tailler des formes dans des feuilles de bambou. Ces feuilles de bambou sont taillées avec un couteau spécial et restent fraiches durant 1h30. Cette technique demande beaucoup de pratique, et diverses formes sont réalisables comme des tortues, le Mont Fuji… Les sashimis font entre 5 et 6 mm d’épaisseur, assaisonnés d’un jus de yuzu, parsemés de pétales de bleuets et relevés d’une brunoise de pommes granny Smith. Pourquoi cette pomme en particulier ? Car c’est l’un des produits favoris de Yann, et comme il le dit très bien lui-même : « On travaille uniquement les produits que l’on adore et que l’on apprécie ».
Petits mets façon Bélisaire par le chef Matthieu Garrel : Saint-Jacques du Japon en salade d’algues Bretagne, ponzu et crème de langoustines. Sériole en escalope poêlée, embeurrée de choux à la bretonne sauce champagne
Matthieu Garrel
Originaire de Bretagne, Matthieu Garrel est un grand amoureux de la mer (même durant son service militaire où il était cuisinier sur un navire de la Marine Nationale). Après ses expériences dans des étoilés en Angleterre et à Plancoët, il débarque à Paris en 1993, pour travailler auprès de Gérard Besson puis chez Potel & Chabot. Il est nommé plus tard Chef des Yachts de Paris. C’est en 2001 qu’il devient chef du Bélisaire dans le 15ème arrondissement, où il propose une cuisine gastronomique et y met en avant les produits de la mer. Portant une grande affection pour l’Asie, il donne des masterclass au Japon, en Chine et aux Philippines.
La Bretagne pour destination
C’est donc naturellement que Matthieu oriente ses plats vers la Bretagne. Le but est de réunir la France et le Japon sur la qualité de pêche que représente ces deux destinations. La sériole est dur à trouver en France, car la période de pêche est très minime. Il décide de préparer ce poisson poêlé. Mais la sériole étant bien gras, il est aussi délicieux en cru.
Quant à la Saint-Jacques, elle est travaillée mi-cuite posée sur une salade d’algues wakame et kombu. Une vinaigrette froide de tête de langoustine est réalisée, et des œufs de poisson volant et œufs de truite accompagnent le plat. Il est préférable de déguster la Saint-Jacques mi-cuite car le produit est déjà très bon ainsi et il est inutile de le camoufler avec trop de cuisson. La puissance du crustacé ressort grâce au chaud-froid et le croustillant de la feuille de parmesan harmonise les textures du plat.