mardi 16 avril | 16:48

Interview de l’autrice du manga Illustrated Fairytales

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Si les rois du mangas sont sans conste les Japonais, de plus en plus de Français ce lancent dans ce format. Lors des conventions comme Japan Expo, notamment, il est possible de découvrir de nombreux stands de jeunes créateurs talentueux. C’est notamment le cas de Sabrina Kaufmann, qui s’est lancé dans l’aventure avec son manga Illustrated Fairytales, une œuvre qui reprend les contes de notre enfance. La jeune femme sort aujourd’hui le second tome, en crowfounding sur Ulule. Elle a accepté de répondre à nos questions à cette occasion.

Pour la soutenir, vous pouvez découvrir sa page Ulule qui se termine le 30 avril 2022 : Ulule Illustrated Fairytales.

Couverture de Illustrated Fairytales – Tome 2

L’interview de Sabrina Kaufmann, l’auteur du manga Illustrated Fairytales

Pourrais-tu nous présenter ton projet ?

Bonjour! Illustrated Fairytales est mon projet manga chéri depuis 2016, qui a d’abord débuté en webcomic gratuit sur Tapas. Le concept est simple: un chapitre = une histoire. Le but est de représenter les originaux des contes de fées de notre enfance, accompagnés à chaque fois d’une petite analyse historique qui explique les coutumes et la façon de vivre d’antan. J’ai toujours adoré les contes de fées et créer des histoires pour faire rêver et voyager dans des mondes où tout est possible. Au fil des années, avec le feedback des lecteurs, puis la publication du premier tome en 2019, c’est vraiment un projet qui me tient énormément à coeur, et me voilà donc avec ce tome 2 axé sur les récits de Hans Christian Andersen!Pour financer l’impression du livre, une campagne Ulule est lancé jusqu’au 30 avril, et permet d’obtenir le manga relié, des dédicaces, goodies, originaux, etc.

Il s’agit déjà du second tome, pourrais-tu nous parler un peux du premier ? Peut-on encore se le procurer ?

Le premier tome est une compilation de 5 contes, à la fois des frères Grimm, de Andersen, mais aussi de Giambattista Basile qui a écrit “Le Pentamerone”. Il s’agit du tout premier recueil de contes écrits en Europe, dont les autres auteurs se sont beaucoup inspirés pour créer les histoires que nous connaissons aujourd’hui. Vu que je trouve cela très intéressant de voir également le côté historique et les messages des contes, je tenais à y rajouter une petite introduction sur le Pentamerone pour donner une vue globale aux lecteurs de l’évolution. Etant en autoédition, il est difficile d’être distribué en librairie. Toutefois, le tome 1 est disponible avec le 2 sur Ulule, dans ma boutique en ligne sabrinakaufmann.com, et à divers festivals à travers le Luxembourg, la Wallonie en Belgique et le Grand Est en France.

Comment t’es venu l’idée d’adapter des contes d’Andersen en manga ? Et pourquoi avoir choisi ces contes-ci en particulier ?

J’aime énormément les contes d’Andersen, notamment vu tout le vécu qui se cache derrière. Les Frères Grimm reprenaient principalement des histoires populaires racontées à l’oral, et les retranscrivaient à l’écrit. Andersen l’a fait également, mais contrairement aux frères Grimm, il inventait aussi ses propres contes originaux. Pour donner un exemple plus concret, l’auteur était issu d’un milieu très pauvre, mais ses écrits lui ont apporté une belle renommée qui lui ont permis de sortir de sa condition sociale misérable. Il voulait faire partie d’un monde qu’il idéalisait, mais où il ne s’est jamais senti à sa place. Cela se traduit dans “La Petite Sirène” que nous connaissons tous: comme son auteur, elle idéalise un autre monde (=Andersen qui rêve de s’échapper de la pauvreté), mais pour y accéder, elle doit devenir quelqu’un qu’elle n’est pas et perd sa voix (= Andersen qui ne réussit pas à s’affirmer dans ce monde bourgeois si différent), et son grand amour princier épouse une autre fille (= Andersen qui est souvent rejeté par cette nouvelle société).Il y a énormément de messages cachés derrière les contes d’Andersen qui vont bien au-delà des simples coutumes et traditions, et qui permettent de découvrir la face cachée d’un auteur aussi brillant que torturé. C’est pour cette raison que j’ai axé ce tome sur “La Petite Sirène” et “Le Briquet”, deux contes très personnels pour l’auteur. “Les Cygnes Sauvages” existent aussi en version dérivée chez Grimm et permettent d’avoir à nouveau un “conte populaire” et plus léger. “La Vieille Ecorchée” est exceptionnellement un récit du Pentamerone, que j’ai intégré pour le fun, car cela faisait plus de trois ans que je rêvais de l’illustrer, vu son côté plus décalé.

Depuis combien de temps dessines-tu ? As-tu toujours souhaité publier ton propre manga ?

 Je dessine depuis que je sais tenir un crayon en main! Depuis petite, j’ai toujours adoré lire, et par extension, créer mes propres histoires et dessiner. Dès mes 8 ans, après avoir lu “Harry Potter”, puis ensuite avec la découverte de “Naruto” et de l’univers des mangas, mon rêve ultime était “écrire un bestseller”. La publication d’un livre a effectivement été un but que j’ai inlassablement poursuivi jusqu’à ma première publication à 14 ans. C’était en autoédition, c’était moche lol, mais cela m’a permis de gagner en expérience, d’obtenir du feedback, et je ne me suis jamais arrêtée depuis. Maintenant, cela fait 5 ans que je suis illustratrice freelance, et créer des histoires, anticiper les réactions de mes lecteurs, imaginer un monde pour faire rêver, rire, s’évader, est vraiment un aspect que je continue à adorer et que je n’arrêterai pour rien au monde.

Travailles-tu seule sur ce projet ? Cela a dû te prendre beaucoup de temps.

En effet, je travaille seule sur ce projet. La décision pour cette nouvelle publication a été prise en juillet dernier, et à partir de décembre, j’ai totalement axé mon agenda sur Illustrated Fairytales, pour la campagne Ulule actuelle en avril, et la parution du manga relié en juillet. Avec en moyenne 4-6h de dessin par jour, je réussis à encrer environ 2-3 pages, ce qui est le rythme impératif à tenir pendant encore un mois et demi pour les dernières pages, avant l’envoi en impression.Créer un manga est un travail très prenant, pour lequel j’ai décidé de refuser tout nouveau client depuis décembre justement, car il me serait impossible de tenir le rythme sinon. Toutefois, cela signifie que je n’ai quasi plus de revenus actuellement, hormis quelques festivals et cours de dessin qui me permettent juste de payer mon loyer. C’était un choix flippant, mais après toutes ces années en freelance avec des contraintes, j’avais besoin de revenir à un projet de coeur, quelque chose qui me faisait vibrer à fond, et juste dessiner pour le plaisir, reprendre du temps pour souffler, sans attentes extérieures – et IllusFairy est toujours mon projet chéri vers lequel je reviens dans ces situations.La situation des auteurs indépendant est malheureusement encore très précaire, étant donné que durant toute cette phase de création, je ne touche aucune rémunération. Pour cela, la campagne Ulule est vraiment importante, car elle permet de réunir les fonds nécessaires à l’impression du livre. En dépassant la cagnotte, tout supplément me permettrait ensuite d’être effectivement payée pour le travail créatif.

As-tu déjà des idées pour un 3e tome, ou de nouveaux projets ?

L’avantage avec Illustrated Fairytales est qu’un chapitre est un conte terminé, donc je peux m’arrêter et reprendre quand je veux. J’ai des idées pour un futur tome 3, voire même un 4, mais vu le temps que cela prend et le manque de rémunération, ce n’est malheureusement pas possible de ne faire que cela. Après la parution de ce volume, je reprendrai des commissions clients actuellement en attente, mais j’ai également envie de me remettre sur d’autres projets qui sont actuellement en pause, notamment développer Himesama Clothing, ma marque de vêtements aux inspirations casual lolita / alternative / Japon avec le graphiste Loïc Artieri, et reprendre ma chaîne YouTube où je partage des conseils concrets pour vivre de l’illustration et du manga. Ayant beaucoup avancé à tâtons sans savoir ce qui est réellement possible dans ce métier au début, c’est vraiment important pour moi de montrer aux gens que c’est possible, que c’est un “vrai métier”, et qu’on peut le faire 🙂

Toutes les photos et illustrations présentées dans cette article ont été réalisée et appartiennent à l’auteur Sabrina Kaufmann.

A propos de l'auteur

Les chroniques d'une fan du Japon et du Kawaii !

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