Bien avant la pandémie et le Covid-19, le masque était déjà si commun au Japon et cela depuis 150 ans. Rien d’étonnant alors si les Japonais persistent à le porter chaque jour, toute la journée en 2023 alors que le port du masque est déjà tombé dans l’oubli dans le reste du monde. Que se cache-t-il derrière sa popularité ?
Une histoire de plus de 100 ans
En France, mes premiers souvenirs du masque en dehors du personnel d’hôpital remontent aux moqueries des journaux télévisés dirigées à l’encontre de Michael Jackson lorsque celui-ci avait commencé à en porter en public dans les années 90. À l’époque, le monde le voyait comme une excentricité piquée aux Japonais, eux aussi considérés comme un peuple surprenant. Cependant, pour les Japonais, le masque est un produit du quotidien au même titre qu’un banal parapluie pour se protéger de la pluie.
Les premiers masques au Japon datent des années 1870, ils étaient alors utilisés par les ouvriers des mines et des usines pour se protéger de la poussière.
Plus tard, les masques atteignent le reste de la population lors de la pandémie de grippe espagnole entre 1918 et 1934. Les autorités demandent alors aux Japonais de porter le masque dans les hôpitaux, les trains et autres lieux publics. C’est à ce moment-là que le mot masuku emprunté à l’étranger fait surface.
Les étapes sont donc similaires à ce que nous avons vécu en France par exemple en 2020 : une pandémie et un port du masque obligatoire. Alors pourquoi le masque a-t-il continué son chemin au Japon après les années 30 ?
Pourquoi plaît-il tant ?
Un élément de réponse vient du fait que son utilisation n’a jamais vraiment été limitée à la grippe. Après le grand tremblement de terre du Kanto en 1929, des volontaires le portaient encore pour se protéger de la poussière et des cendres. Lorsque la pandémie s’est calmée, les Japonais ont ensuite vu l’arrivée de masques de luxe, de haute qualité, en velours ou en cuir et l’idée que le masque pouvait devenir un accessoire de mode. Les publicités montrent alors des femmes élégantes habillées de tenues assorties à leur masque. Le masque de mode devient un symbole de statut élevé.
Allergies saisonnières
La seconde étape du regain de popularité vient des allergies qui se sont aggravées dans les années 80 (de pire en pire encore de nos jours) dues au pollen extrêmement fort des cyprès et cèdres japonais. De nombreux Japonais souffrent en effet de symptômes d’allergie saisonnière et le masque leur offre un certain soulagement.
Protection sociale
Au-delà des bénéfices de santé, le masque offre également une protection sociale. Il protège du regard des autres, aide à cacher un grain de beauté jugé disgracieux, permet de ne pas avoir à forcer un sourire lorsqu’on en a pas envie. Cet effet a été exacerbé par la pandémie lorsque le port du masque est devenu journalier pour toute la population.
De nombreux Japonais en viennent à avoir peur de le retirer en public et d’avoir à révéler leurs véritables visages. Plus le temps passe et plus ce visage devient intime et l’impression de briser cette intimité devient presque égale à se voir en sous-vêtements.
Les interlocuteurs sont ainsi forcés d’imaginer les traits restants du visage, souvent très loin de la réalité.
Effets secondaires du port systématique du masque
relatés par des Japonais.
Une mère Japonaise me raconte l’histoire de son fils qui avait commencé une relation sur internet. Le jeune couple avait pour projet de s’installer ensemble. Le moment tant attendu de la vraie rencontre arrive enfin et la jeune fille fait tout le voyage de Tokyo à l’est du Japon vers le Kansai à l’ouest. Lorsque la mère demande des nouvelles à son fils, celui-ci lui répond qu’il a rompu car le visage de la fille était complètement différent sans le masque.
Triste histoire aussi des écoliers ayant passé une grande partie de leur enfance à porter un masque. Ils y sont tellement habitués qu’ils ne veulent plus l’enlever car eux non plus ne veulent pas que leurs camarades voient leurs visages.
Covid et la montée des Fashion Masks
L’arrivée du covid et les ruptures de stocks de masques basiques blancs chirurgicaux ont poussé les Japonais à porter des alternatives en tissus noirs. La première mode était arrivée.
Les jeunes utilisaient ces masques noirs comme un véritable accessoire de mode alternatif pour un look cool et dark.
Puis les masques chirurgicaux sont revenus et l’offre de couleurs s’est élargie pour le bonheur de tous.
La seconde véritable tendance était les « Victorian masks ». Vendus aux Japonais comme un moyen de créer un effet grand nez (pour eux c’est un compliment) et qui garde le maquillage intact.
Cette mode s’est ensuite essoufflée pour laisser la place au 2D masks très tendance de nos jours. Ceux-ci sont un mix de la forme des masques en tissus mais avec la matière des chirurgicaux. Ajoutez des cordelettes pour les oreilles de différentes couleurs et tout le monde se met à en porter.
Les Japonais ne sont donc pas prêts à retirer le masque de sitôt. Cela, même après l’annonce de rétrograder le covid au statut de maladies contagieuses communes en mai 2023. Les Japonais questionnés comptent continuer à le porter. Nous verrons plutôt de nouvelles tendances voir le jour l’une après l’autre.
Quelle sera la prochaine tendance ?
Sources :
https://mainichi.jp/english/articles/20210416/p2a/00m/0li/037000c
https://web-japan.org/trends/11_culture/pop202008_mask-culture.html
2 commentaires
Très intéressant! L’auteure nous permet encore une fois de mieux comprendre la culture japonaise.
C’est vrai moi aussi mon premier souvenir du masque c’est celui que portait Michael Jackson! On voyait ça comme une autre de ses excentricités. Ça semble si loin.
Etonnants ces victorian masks.