Il y a quelques mois, la maison d’édition Philippe Picquier, nous faisait découvrir sa collection «Le Banquet».
Aujourd’hui, après la sortie du deuxième livre le 02 Septembre, je vous présente les deux ouvrages dont on entend pas assez parler.
Tout d’abord, qui est Ryoko Sekiguchi ?
Ryoko Sekiguchi est une autrice, poétesse et traductrice japonaise. Elle est née au Japon et vit à Paris depuis 1997. Elle écrit en français et en japonais, traduit dans les deux sens, se passionne pour la littérature, le manga et la gastronomie. Elle porte de nombreux projets en collaboration avec des artistes plasticiens, des chefs étoilés et des écrivains; des collaborations aussi inattendues que savoureuses, traversées par son goût de la littérature et de la gastronomie.
Elle a publié une vingtaine d’ouvrages en français et en japonais dont le très remarqué Nagori (P.O.L, 2018), Le Club des Gourmets (P.O.L, 2013), ou encore Le Nuage, dix façons de le préparer (Éditions de l’Épure, 2019). Elle a également signé la nouvelle traduction du célèbre essai de Jun’ichirô Tanizaki, Louange de l ’ombre (avec Patrick Honnoré, Éditions Picquier, 2017).
Ryoko Sekiguchi a été résidente de la villa Kujoyama à Kyoto et de la villa Médicis à Rome. Elle est également lauréate du Grand Prix de la Traduction 2016 au Japon pour Solibo magnifique de Patrick Chamoiseau.
Quelques mots concernant la collection :
On minimise souvent le rapport entre les mots et la cuisine. Mais, sans les mots pour nommer les ingrédients et exprimer leurs goûts, la cuisine n’existerait tout simplement pas. Vous entrez dans un restaurant et vous lisez les mots du menu, qui réveillent votre gourmandise et vous mettent l’eau à la bouche. Le menu n’est autre qu’un texte, porteur d’un message afin d’insister l’envie. Les recettes sont des textes et chaque auteur a son style, selon les cultures et les époques.
Et la littérature ? Pourrait-elle exister sans nourriture ?
Je pense que non.
Car si la littérature est un merveilleux véhicule pour s’occuper de ce qui est essentiel dans notre vie – l’amour, la mort, la famille, la société, la nature, les voyages, les non-humains, la croyance ou l’invisible et l’impalpable –, nous avons jusqu’alors commis l’erreur de considérer la cuisine comme un sujet mineur de la création littéraire et d’avoir restreint son territoire à un périmètre bien délimité : femmes, famille, partage, bonheur…
Mais la nourriture est tout à fait pertinente pour parler du désespoir, des inégalités, de l’injustice ou d’un monde futur; elle est même indispensable.
Il est grand temps de lui donner le champ libre dans le vaste monde qui est le sien.
La collection « Le Banquet » réunit des œuvres japonaises inédites. Car la nourriture prend dans la littérature japonaise une place centrale, celle du plat de résistance.
La littérature japonaise, c’est la grande friche où l’on cultive des légumes, élève des animaux ou ramasse des coquillages. On prépare de la friture par-ci, on boit un coup par-là, comme une autre langue tout aussi riche et polysémique. Entendez-vous les conversations des convives à la table là-bas ? Et la vapeur qui monte de la marmite ?
Aujourd’hui plus que jamais, avec une nouvelle conscience envers le vivant, nous souhaitons créer une autre relation avec ce qui nous entoure et ce qui nous nourrit. Tisser des histoires de nourriture, c’est parler de notre façon d’être face au monde.
Il est temps de se retrouver autour de la grande table fédératrice de la littérature pour goûter au repas de la vie.
Le Banquet fera naître en vous un savoureux espoir. – Ryoko Sekiguchi
Dans un quartier commerçant de la banlieue de Tokyo, trois femmes tiennent une petite boutique de plats à emporter nommée La Maison de Coco. La cuisine y est familiale ; et bien que joyeuses et sympathiques, Kôko, Ikuko et Matsuko – toutes trois âgées d’une soixantaine d’années – n’ont, pour les clients qui poussent la porte, rien d’extraordinaire : ce sont des femmes qui prennent de l’âge, des femmes invisibles. Des caricatures de femmes : Kôko la mémé bavarde, Matsuko la boudeuse et Ikuko qui boit toujours un verre de trop… Joie, tristesse, amertume, soulagement… nous ne ressentons pas les émotions, nous les goûtons. Quatre écrivaines japonaises mettent en scène l’Europe – le Pays basque, la Bretagne, le Piémont italien, l’Alentejo au Portugal – et ses plats.
Résumé :
Mais en goûtant aux onze plats qui ponctuent le roman, le lecteur va faire leurs connaissances. Kôko est divorcée d’un mari volage, Matsuko a toujours dans le cœur un homme beaucoup plus jeune qu’elle connaît depuis son enfance ; enfin, Ikuko essaie de faire le deuil de son mari et leur enfant. On s’assoit avec elles autour d’un thé, on écoute leurs conversations, on cuisine des salades de chou, du riz aux champignons, des sardines panées, du chou sauté, ou des patates frites. Tout cela éclaire, en contrepoint, les paysages intérieurs des héroïnes. Et on comprend que se joue en cuisine quelque chose de profond, de significatif, d’intime. La cuisine devient le lieu de la réconciliation. Avec le passé et ses regrets d’abord mais surtout avec soi. Car contrairement aux idées reçues, on ne finit jamais d’être femme. Peu importe notre âge.
Inoue Areno touche au cœur. Les choses cachées derrière les choses, les drames ordinaires, les sentiments : voilà les thèmes qu’elle explore et creuse de façon si profonde, si juste qu’ils en deviennent universels.
Avec, en point d’orgue, une question qu’elle pose avec affection et bienveillance : qui sont les femmes de plus de soixante ans ?
Résumé :
Nous les déposons sur la table autour de laquelle nous nous asseyons, et nous les partageons.
Quatre variations autour de la nourriture où le minestrone, les galettes de blé noir ou le pão de ló deviennent des lieux de mémoire et de réconciliation.
Dans ces nouvelles, les plats disent de nous ce que les mots ne peuvent pas dire. Les drames – mort d’une mère, d’un mari, disparition d’une sœur, jalousie amoureuse – se nouent et se dénouent autour d’un repas partagé. Car ce que l’on partage lorsque l’on mange ensemble, ce n’est pas de la nourriture mais de l’amour.
Je ne sais pas pour vous, mais cette collection me donne vraiment faim de lecture.
«Et la littérature ? Pourrait-elle exister sans nourriture ?
Je pense que non.» Ryoko Sekiguchi