Méfiez-vous de la gentille et docile salarywoman.
Malgré sa retenue sans faille, derrière son visage souriant
elle retient un cri de rage destructeur !
Petite sœur de Hello Kitty et de Pompompurin, Aggretsuko ne se contente pas d’être une mascotte mignonne de la franchise Sanrio. « Agressive Retsuko » se démarque de ses consœurs avec ses propos matures. Sa série nous révèle les travers de la vie en entreprise comme de la société japonaise conservatrice. Doit-on respecter ses aînés jusqu’à les laisser nous écraser ? Le mariage est-il une fin heureuse en soi, et le chômage une fatalité ?
En quête d’un mari pour subvenir à ses besoins, ce qui lui permettrait de quitter son boulot ingrat, Retsuko vise-t-elle le bon combat ? Dans un monde patriarcal où les femmes peinent à avoir de la reconnaissance professionnelle, son cri de rage ne restera pas longtemps étouffé. Mais est-elle vraiment la seule à batailler pour gagner en visibilité et en légitimité ? Est-ce-que son objectif de quotidien calme et discret est son réel souhait ? C’est en soulevant toutes ces problématiques, et bien plus encore au fil des saisons, que cet anime se révèle intelligent et incisif.
Titre original : アグレッシブ烈子
Épisodes : 50 x 18 minutes
Genres : Comédie – Drame – Romance – Slice of Life
Thèmes : Travail – Amitié – Quotidien
Diffusion : 02/04/2016 – 16/02/2023
Studio : Fanworks
Résumé de la série
Retsuko est une panda roux de 25 ans, vivant à Tokyo. Naïve et serviable, elle travaille dans le département comptabilité d’une firme commerciale. Victime de harcèlement par ses supérieurs et d’indifférence par ses collègues, elle libère sa frustration le soir au karaoké… Plus précisément sur du death métal.
Le jour où deux de ses collègues découvrent son passe-temps, ses séances de death growl vont radicalement changer. Alors que son entourage met toujours plus à l’épreuve sa patience, l’envie de les remettre à leur place sera de plus en plus tentante. Combien de temps encore la gentille petite ailuridé cachera-t-elle son secret ? Et surtout ses plus intimes ressentis ?
Avertissement : L’article prend en compte des éléments présents dans les 5 saisons d’Aggretsuko. Par moment je présenterai des personnages et des éléments déjà mentionnés dans les bandes annonces. Mais il n’y aura pas de révélations scénaristiques ni de citations de passages précis, ou très vaguement.
Je profite de cet article pour vous partager des témoignages de salarymen japonais. Ils vous permettront de mieux comprendre le cadre professionnel dans lequel évolue Retsuko et ses reproches. Je vous encourage à croiser les informations et à ne pas en faire une généralité : Ichiban japan , Japania , Japon fou fou fou
À retenir
- Thèmes variés : On nous présente le monde des idoles souterraines dans la saison 3 et on parle d’engagement politique dans la saison 5. La série ne limite pas ses critiques aux bureaux et à la vie sociale (collègues, amis, famille, voisinage, amoureux, opinion général…)
- Messages universels : Même si la série est caricaturale et que des entreprises japonaises remettent en question leurs méthodes de travail, on se reconnaît dans les injustices que vit Aggretsuko. En partageant sa colère, on fait de cette mascotte un porte-parole des opprimés.
- Dessins mignons : Il ne faut pas s’arrêter à la première impression « c’est mignon donc adressé aux enfants » ni aux apparences (souvent trompeuses) des personnages. La série elle-même emploie le tatemae (le comportement que l’on se force à adopter en public) !
- Passages bancals : Je vous avoue ne pas avoir aimé la fin bancale de la saison 4 ni certains éléments bâclés dans les autres. Par exemple, dans la saison 5, le parti politique qui approche Aggretsuko n’aborde jamais ses revendications.
- Gori & Washimi : J’adore ces personnages et je regrette qu’elles ne soient pas plus mises en avant. C’est peut-être voulu qu’elles s’effacent au fil de l’évolution de leur petite protégée rousse. Mais je regrette que ces deux grandes sœurs spirituelles aient des passages ponctuels.
- OST : Les thèmes musicaux sont bien menés car servent l’histoire. Ils renforcent la sérénité de Retsuko quand elle est joyeuse, l’arrivée croissante d’une rage ou la monotonie aliénante de son bureau. À force de les entendre et de les connaître, ça peut casser l’effet de surprise.
La série peut être surestimée car tapant juste, mais son approche n'est pas forcément la meilleure. Elle présente plusieurs profils de salariés : la commère, la langue de vipère, la lèche-botte, la fouineuse... On peut y voir la démonstration de plusieurs stratégies opportunistes. Mais ici les employés ne cherchent pas tous à monter les échelons ou à gagner la sympathie du boss. Il est intéressant de comprendre pourquoi Tsunoda couvre d'éloges les gens dont elle veut tirer profit ? Ou pourquoi Tsubone méprise Retsuko mais chouchoute la gente masculine ? Ou plus généralement : pourquoi elles valident le système sexiste en jouant le rôle attendu ?
J'aime que Aggretsuko approfondisse ces personnages secondaires. On ne se contente pas de présenter un prétendant à un mariage arrangé, un collègue paranoïaque réfutant tous conseils ou une mère trop protectrice. Quand Retsuko est présentée comme égoïste, car pensant en premier lieu à son ressenti et son refus d'avoir un quotidien changeant, on a l'impression qu'elle est consciente d'être le personnage principal. À la fois elle aspire à une vie sans remous, mais elle veut défendre aussi ses convictions. L'obligeant à fuir les prises de risque et à rester passive pour ne pas se faire remarquer. Malgré ses ambitions, elle ne se donne pas les moyens d'y parvenir si on ne lui force pas la main, et s'arrête en cours de route au moindre doute. Ce qui en fait un personnage qui galère à évoluer et à se remettre en question. Est-ce un défaut où l'on déteste se reconnaître, ou un personnage que l'on prend plaisir à bousculer pour qu'elle dise ses quatre vérités ? À vous de me donner votre opinion à ce sujet chères lectrices !
On adore cette dualité entre deux facettes japonaises : le tatemae (la Retsuko de tous les jours, sage comme une image et polie en toutes circonstances) et le honne (la Aggretsuko qui fait entendre le fond de ses pensées en secret). Cette opposition reflète la contradiction "souffrir pour plaire" et nous interroge sur notre propre rapport à la société. Sommes-nous réellement sincères en public ? Est-ce-que l'on est totalement francs en dehors de notre zone de confort ? Ou est-ce-que l'on joue un rôle au travail comme en dehors ?
On aborde comme Retsuko et ses amis plusieurs facettes, celles-ci n'étant pas systématiquement le reflet de nos opinions profondes ni de nos projets intimes. C'est pourquoi j'adore la saison 5 qui évoque l'importance du droit de vote et de l'implication dans la vie politique. Mais ce que j'affectionne surtout dans cette série, c'est le personnage de Ton : le directeur du service comptable donc le patron direct de Retsuko. D'abord présenté comme le principal antagoniste de la série, humiliant continuellement la jeune employée et la couvrant de sermons à la moindre faute, il ne lui accorde aucun répit. Il est détestable mais il a de bonnes intentions, certes très maladroites (par son décalage d'âge avec ses employés, par son fort caractère et sûrement son éducation). Quand il démontre à d'exceptionnels moments sa bienveillance, on comprend qu'il n'est pas animé d'un mauvais fond.
Que vous adoriez la série ou que vous trouviez Retsuko nunuche, je pense que son évolution très progressive est justifiée par son caractère et son environnement. Ce n'est pas évident de se défaire subitement de son image d' "employée docile" qu'elle a mis des années à construire et dans laquelle on l'a longtemps conditionnée ! Comme il n'est pas facile de partager un hobby qui n'est pas approuvé aux premiers abords, qui peut surprendre mais en négatif, qui peut jouer sur sa réputation voire la décrédibiliser, avec laquelle elle peut risquer sa tranquillité durement acquise. Si elle n'aspire pas à faire entendre ses revendications et préfère qu'on lui marche sur les pieds, on comprend que son entourage en profite. On va détester la Retsuko souffre-douleur et adorer la Aggretsuko qui n'a pas sa langue dans sa poche. Et si notre souhait profond à tous, était d'être cette dernière ?
Et si en dénonçant les travers d'une société qui refuse de changer par absence de protestations, la série souhaite nous faire réagir à notre tour ? Ou peut-être que je m'emporte et qu'elle a pour simple vocation de nous émouvoir ? Aggretsuko ne me laisse pas insensible et je souhaite que ça soit aussi votre cas.
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Scénario7.5
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Thème7.5
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Personnages8
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Graphismes7
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Musiques6