L’anniversaire de la fille d’une de mes amies japonaises approchant, je lui demande mine de rien quel sera son cadeau. Sa réponse me laissa perplexe : des bas de contention. J’ai d’abord cru avoir mal compris, sa fille étant seulement âgée de 12 ans. Mais elle m’explique que sa fille, comme de nombreuses adolescentes, est obsédée par ses jambes qu’elle juge trop épaisses et que ces collants ou leggings permettent de maigrir des jambes. J’ai donc mené ma petite enquête.
Obsession maigreur
Si une enfant de 12 ans est complexée par ses jambes trop grosses, il nous faut remonter à la genèse du problème : l’apologie de la maigreur au Japon.
Pour illustrer mes propos, je vais partager avec vous mon expérience personnelle. Au même poids, en France et au Japon, les réactions des autres par rapport à mon corps sont à l’opposé. Si au Japon, on admire ma silhouette fine et je n’ai que des retours positifs « ashi hosoi ! » (Tes jambes sont minces !) Dit avec un regard envieux, en France, on est inquiet pour moi. On me demande si je mange, on m’ordonne de prendre du poids, on me dit que j’ai l’air malade… autrement dit : que du négatif.
C’est tout simplement une question de critères de beauté opposés, attachés à deux cultures différentes. L’un n’étant pas mieux que l’autre. Il est toutefois delicat de faire des remarques sur le poids d’autrui quel que soit le sentiment. Le poids de chacun ne devrait pas être une question de jugement de la part des autres.
Au Japon, être très mince, voire maigre (en dessous de 45 kg) est un rêve pour de nombreuses femmes. Cela pourrait vous surprendre, mais les magazines féminins regorgent d’articles autour de régimes pour passer de 45 kg à 40 kg.
Est-ce une histoire de taille alors ? Les Japonaises sont-elles bien plus petites que les Françaises ? Pas tellement !
La taille moyenne des Japonaises en 2023 est de 159,5 cm pour un poids moyen de 50,6 kg (Source). Les Françaises mesurent quant à elles, 164 cm pour un poids de 67,3 kg (Source). Ces 4 cm de différence de taille entre les Japonaises et les Françaises équivaudrait à près de 17 kg de différence de poids ?
Ces diktats de la maigreur semblent aussi se focaliser sur les jambes. On entend rarement les Japonaises se plaindre de leurs bras par exemple. Il est vrai que l’on montre beaucoup ses jambes souvent au Japon et cela commence aussitôt entré à l’école avec les uniformes : Jupes et veste pour les filles. Certaines écoles interdisent même le port des collants et les jeunes filles se retrouvent donc obligées de montrer leurs jambes.
Celles dont les écoles autorisent les collants se mettent donc à porter des bas de contention pour l’effet amincissant immédiat (effet d’optique) qu’ils procurent.
Les bas de compression, comment ça marche ?
En France, les bas de compression (ou de contention) sont présentés comme un dispositif médical. Leur nom véritable ? Orthèse de compression veineuse ou la jolie appellation bas à varices dans le jargon populaire. Autrement dit, leur image est loin du it-accessoire que les collégiennes japonaises ont fini par lui donner.
La rubrique à leur sujet sur le site de l’assurance maladie, ameli.fr, s’adresse clairement à des personnes ayant eu une discussion en amont avec leur médecin. Je cite :
Vous avez une maladie veineuse chronique, vous avez eu une phlébite, une embolie pulmonaire, vous venez d’être opéré(e), vous allez prendre l’avion et votre médecin traitant vous recommande de porter des mi-bas, des bas ou un collant de contention ?
Dans ce cas, votre médecin vérifie que vous n’avez pas de contre-indication au port de bas ou collant de contention (artérite des membres inférieurs par exemple) et vous les prescrit sur une ordonnance en mentionnant le niveau de compression veineuse adaptée à votre problème de santé.
Le mot problème de santé est crucial ! Même si les bas de contention sont disponibles en vente libre, ils restent des dispositifs médicaux destinés aux personnes souffrant d’insuffisance veineuse ou pour éviter les risques de thrombose (caillot sanguin) après une opération ou lors d’une grossesse. On peut également les porter lorsque l’on reste debout ou assis trop longtemps (long voyage en avion, travail debout).
Les bas de compression, comme leurs noms l’indiquent, vont compresser les membres inférieurs. Cette pression va être de plus en plus forte du haut de la jambe jusqu’à la cheville pour améliorer la circulation sanguine.
Les bas de contention pour maigrir ?
Comment ces bas médicaux sont-ils arrivés aux chevilles des collégiennes ?
Leur montée en popularité va de pair avec l’arrivée des influenceurs et de leur influence notable sur les jeunes. De nombreux comptes ont fait leur promotion sur les réseaux sociaux, plébiscitant leurs effets amincissants. Tellement que les parapharmacies étaient obligées de limiter leur vente à trois par personne.
Même si les influenceuses promettent un thigh gap (espace entre les cuisses devenu un challenge sur les réseaux sociaux) à force de porter ces collants, il n’y a pas de cause à effet.
Il est important de noter que les bas de contention ne font pas maigrir. Si on a l’impression d’avoir les jambes plus fines, c’est simplement car elles sont compressées. Il est au contraire déconseillé de les porter si l’on n’a pas de problèmes de circulation veineuse. Dans certains cas, les bas de contention peuvent même causer des problèmes plus graves, tels que des ulcères veineux ou des caillots sanguins.
Vous l’avez compris, les chakuatsu leggings (leggings de contention) sont un dispositif médical et il est fortement recommandé de demander conseil à son médecin avant de s’en procurer. Si vous avez les jambes lourdes, des varices ou un long voyage en avion prévu, prenez rendez-vous chez votre médecin traitant pour en discuter.
2 commentaires
Très surprenant cette mode, qui plus est dangereuse pour la santé! J’espère que les jeunes Japonaises seront mises en garde contre ces bas de contention!
Je ne m’attendais pas du tout à ce genre d’article lisant le titre. Encore un dispositif médical détourné par les influenceurs. Ce qui est surprenant c’est que les parents jouent le jeu des réseaux sociaux…