vendredi 29 mars | 00:39

INTERVIEW SHO KIMURA – LES 3 CHOCOLATS

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Sho Kimura, pâtissier de père en fils qui découvre le France à 27 ans, un pays complètement inconnu pour lui, avec ses diversités aussi bien culturelles que gustatives. Il apprend en étant directement au contact de sa clientèle, adapte ses desserts pour satisfaire le plus grand nombre mais tout en conservant ses principes de création.
À la boutique “Les 3 Chocolats”, il propose ses desserts aux techniques françaises et inspirées par la culture japonaise, qu’il tient à préserver, pour le grand plaisir de sa clientèle. 

Une arrivée en France délicate mais prometteuse 

  • Comment as-tu commencé la pâtisserie ?

Mon père était pâtissier, c’est lui qui m’a initié au métier, à 18 ans. Puis j’ai travaillé pendant 10 au Japon à Aomori. Mon père faisait de la pâtisserie française mais n’a appris qu’au Japon, il m’a poussé à aller en France pour mieux connaitre les techniques. Je suis alors arrivé en France à 27 ans, pour en apprendre davantage.

 

  • Comment s’est passée ton arrivée en France ?

En arrivant en France j’ai travaillé en tant que chef pâtissier à côté de Poitiers, pendant 7 mois avec un statut de working holiday. C’était une expérience assez terrible car j’étais chef pâtissier d’un restaurant français et je ne connaissais pas le principe de l’ordre des entrées, plats, desserts, mignardises… Car dans la cuisine japonaise, on amène souvent tous les plats en même temps. De plus, je ne connaissais pas la langue. Pour communiquer avec le chef et la salle c’était très compliqué et j’ai tout appris sur le tas.

Ma seconde expérience en France était en Normandie, en boutique de pâtisseries pendant 3 mois. J’ai adoré vivre dans cette région car elle me rappelle beaucoup Aomori, là où j’ai grandi, car le pommier y est très présent.

Et enfin ma rencontre avec Les 3 ChocolatsUn ami m’a parlé d’Emiko qui a ouvert sa boutique dans Paris. Je ne la connaissais pas mais elle me connaissait déjà via Instagram. Nous avons échangé sur le fait de collaborer ensemble et voilà maintenant 3 ans et demi que je travaille ici à ses côtés !

Emiko Sano & Sho Kimura à la boutique Les 3 Chocolats

 

Rêver d’abord, concrétiser ensuite

  • Quel est ton processus de création ?

Je réfléchis et construis mes desserts dans mes rêves, dans mon sommeil ! Quand j’imagine une nouveauté, je ne pense qu’à ça. J’anticipe déjà les textures que je veux intégrer, j’apporte ensuite les saveurs (châtaigne, marron…) et j’essaie de donner une forme à l’ensemble de ces éléments. Je veux créer le meilleur dessert en pensant avec les techniques françaises et japonaises.

Esquisse de dessert

  • Peux-tu nous parler de 3 desserts en particulier ?
– Le Mont Blanc : meringue (avec vanille et tonka), gianduja, crème de marron, morceaux de marrons, crème vanille et crème chantilly. 

Je n’utilise pas de beurre, mais pour certain dessert comme celui-ci, il faut de la matière grasse pour révéler le goût. Alors j’utilise le chocolat blanc grâce, fort en beurre de cacao. Je mixe aussi les écorces de vanille pour faire une poudre que je vais incorporer à cet entremet.

Mont Blanc

– Pavlova pommes exotique : meringue, sauce exotique, pommes fraiches, crème vanille de Madagascar bio, meringue citron vert.

Dans ma pavlova pommes exotique, j’y ajoute des pommes fraiches car la spécialité de ma ville natale est les pommes et je tenais à les utiliser dans l’une de mes créations. Je souhaitais aussi “casser” le côté trop classique des fruits habituels que l’on retrouve toujours dans l’exotique…

Pavlova pommes exotique

– Mochi matcha azuki : biscuit génoise, mousse matcha, azuki, crème chantilly, mochi, crème de marron.

Un jour, un client m’a dit qu’il trouvait que la texture azuki lui faisait penser à la crème de marron. En y réfléchissant, il n’avait pas tort…

Pour contrebalancer avec le côté très japonais de mon dessert mochi, j’ai ajouté une crème de marron au-dessus du dôme. Conserver l’équilibre France/Japon est très important à mes yeux.

Mochi matcha azuki

 

Apprendre des différences et s’enrichir de cultures nouvelles 

  • À ton arrivée en France, quelles sont les différences que tu as observé avec le Japon ?

Au Japon on ne prend pas toujours en compte les saisonnalités dans nos plats/desserts et avons les mêmes fruits et légumes toute l’année (qui ne poussent pas forcément de manière naturelle…). Un jour un client est entré dans la boutique et après avoir constaté que je proposais un mochi fraise hors saison de la fraise, il a quitté la boutique en prétextant que ce n’était pas la saison en râlant ! Je comprends maintenant, l’importance des saisons. Finalement, grâce à ce client mécontent, j’ai accepté de changer mes anciennes habitudes et de créer mes desserts différemment.

Particulièrement dans le quartier du Marais, il y a une grande mixité culturelle que l’on ne retrouve pas au Japon . J’ai appris à adapter mes desserts à cette clientèle nouvelle pour moi.

Un autre exemple. Il y a 3 ans, j’utilisais de l’alcool dans mes desserts (comme j’avais l’habitude de le faire au Japon). Avec la clientèle pratiquant une religion et ne consommant pas d’alcool, un certain nombre de clients ne souhaitaient pas acheter mes gâteaux et cela m’a surpris. C’est à ce moment que j’ai « rencontré » la religion. Même problématique avec la gélatine de porc… maintenant j’utilise la gélatine de poisson. Grâce à cette clientèle très diverse, j’ai découvert d’autres techniques de préparation. J’ai essayé les gâteaux vegan, en réfléchissant aux conséquences sur la planète. Pour l’instant je n’ai pas trouvé les bons dosages pour arriver à un résultat optimal mais je vais continuer de travailler ce sujet.

 

  • As-tu une madeleine de Proust ?

Ma madeleine de Proust c’est le genmaicha. J’ai grandi chez ma grand-mère car mes parents géraient chacun sa propre boutique et travaillaient beaucoup. Après le diner, ma grand-mère servait du genmaicha et j’en buvais tout le temps avec elle. C’est le thé de basse qualité au Japon, comparé au matcha qui est de qualité supérieure mais cela me rappelle mon enfance. Et j’en bois toujours encore aujourd’hui, que je ramène du Japon. Je rajoute un peu de genmaicha dans la mousse matcha pour révéler plus le goût et adoucir l’effet amer du matcha, pour mieux l’équilibrer.

Sho dessine une feuille de thé

 

Les 3 Chocolats

45 rue Saint-Paul, 75004 Paris
01 44 61 28 56
Ouvert le lundi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche de 11h00 à 19h00
Fermé le mardi et le mercredi

https://www.instagram.com/les3chocolats_paris/?r=nametag
https://www.instagram.com/shokimura/
https://www.instagram.com/les3chocolats_emiko/

 

A propos de l'auteur

Irasshaimase ! Passionnée de cuisine nippone, qu’elle soit populaire ou étoilée, je vous partage mes coups de cœur de restaurants japonais et bien plus encore !

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