samedi 20 avril | 07:41

Sebastian Masuda : Interview du maître du mouvement kawaii d’Harajuku

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Sebastian Masuda, le célèbre artiste kawaii était présent lors du festival Japan Expo 17e Impact, afin de nous présenter son tout dernier projet Time after Time. Pour l’occasion, l’équipe de Japan Glossy a eu le privilège d’interviewer l’artiste sur sa vision du monde et sur ses nombreux projets.

JG :  Bonjour et merci de nous accorder cette interview.

SM :  Enchanté !

JG :  Pouvez-vous vous présenter au public français ? 

SM :

Je suis directeur artistique, dans le milieu de l’entertainment japonais.

Mais à l’étranger, c’est légèrement différent, je me présente comme un artiste. Je fais mes débuts en tant qu’artiste.

Mon travail est connu à l’étranger car il est plus varié :scène, publicités, et aussi des films. Des commandes. C’est le cœur de mon travail au Japon.

JG :  Parmi tous les projets sur lesquels vous avez travaillé, quel est celui qui vous a apporté le plus de satisfaction ? 

SM :

Il y a trois points communs à tous les projets que j’ai menés. L’Art, la mode et l’entertainment.

Tous sont importants, car ce sont des moyens d’expression aux travers desquels j’ai l’impression de faire des choses très variées, mais je sens aussi que j’exprime la même chose sous des formes différentes.

JG :  Quels sont les difficultés que vous rencontrez dans votre métier ?

SM:

Je pense que j’ai réussi à faire passer mon messager à l’extérieur du Japon auprès de ceux et celles qui s’intéressent à Harajuku ou à la mode, mais en tant qu’artiste actuel, je voudrais montrer mon art à tous, y compris ceux ou celles qui ne s’intéressent pas à Harajuku ou au Japon. C’est compliqué et ça demande de la réflexion.

JG :  Que signifie pour vous le mot Kawaii ?

SM :

Pour moi ça évoque la création d’un espace personnel intime où personne ne peut entrer à part moi, un territoire exclusif. Voilà ce qui est le cœur du Kawaii.

Mais comme mon travail est observé par de nombreuses personnes à l’étranger ; et comme il est très coloré; il a été pris pour exemple. Alors qu’en fait, c’est à vous de remplir ce petit espace avec tout ce qui vous plaît.

Ce qui compte c’est votre personnalité elle-même.

A l’étranger, quand le mot « Kawaii » est utilisé en dehors du Japon, on sent que l’on est proche du sens  français de « mignon ». Mais pour moi, ça montre une sorte de respect vis- à vis de la créativité japonaise, de notre originalité et de notre capacité à créer de petites choses avec application.

JG :  Qu’est-ce qui vous inspire dans vos projets ? 

SM :

Quand j’étais enfant, mes parents tenaient un commerce et je ne pouvais pas rentrer tôt. Du coup, je restais dehors, dans la galerie marchande. Il y avait des magasins de jouets, de friandises … il y avait plein de jolies boites très colorées et ça me plaisait beaucoup. Ça m’inspire encore aujourd’hui.

Puis, une fois adulte, je me suis rendu compte qu’on retrouvait cette ambiance colorée dans les festivals, les fêtes de quartier, avec des alignements de masques ou de barbe à papa… mais j’étais moins ému. Sans doute parce que j’étais devenu adulte. J’ai pensé que devenir adulte signifiait perdre quelque chose.

J’ai donc souhaité redécouvrir la couleur à travers mes yeux d’adulte et faire partager mon enthousiasme pour l’avenir à travers mon art.

JG :  Quel est votre objectif premier lorsque vous vous lancez dans un nouveau projet ? Parlez-nous du Kawaii Monster Café. 

SM :

Comme je viens de vous le dire, c’est surtout utiliser de la couleur pour faire passer des messages positifs pour le futur, ou nos désirs pour l’avenir

Si on se réfère à mes premières œuvres Kawaii, il y a environ 20 ans, on m’a beaucoup reproché le trait trop enfantin, voire puéril de mon travail, surtout les générations plus âgées. Ça m’a beaucoup troublé à une période.

Je pense que c’est pareil en Europe, mais c’est surtout l’injonction à devenir un adulte, vis-à-vis de la société et le fait qu’au lieu de tout ça, nous revendiquions d’utiliser des motifs enfantins, voilà ce que les autres adultes m’ont reproché. 

Et pendant 20 ans, mon travail et le Kawaii s’est développé dans le monde, jusqu’à devenir abordable même pour les adultes, à travers la création de cafés ou de boutiques.

Surtout quand on va à Tokyo, à Asakusa, il y a des kimonos et des objets traditionnels japonais, mais il n’y a pas ce genre de choses dans le quartier de Harajuku de nos jours, je voulais que les visiteurs, surtout ceux étrangers puissent faire l’expérience du Kawaii dans un café, d’où la création de ce restaurant à thématique Kawaii.

JG :  Quel a été la contribution de Kyary Pamyu Pamyu dans votre travail ? 

SM :

Jusqu’en 2013-2014, c’était surtout connu des habitués ; dont Kyary. C’est elle qui peu à peu à élargit notre travail à celui de la mode. En tant qu’artiste, je voulais m’adresser au plus grand nombre : les enfants, les papis, les mamies … Parce que c’est de l’Art ! Et que c’est en voulant faire connaitre cet art né de l’esprit japonais que je suis devenu un artiste.

JG :  Que pouvez-vous nous dire de votre œuvre « Seven Nightmares » ?

SM :

En 2014, en tant qu’artiste actuel, j’ai fait mes débuts à New York avec cette œuvre.  Comme je le disais plus tôt, c’est une chose extrêmement personnelle : une chambre, un espace réduit rempli de choses qui me plaisent, vraiment concentrées dans un espace très petit.

Cette œuvre s’intitule SevenNightmares, c’est découpé en sept zones. Il y a le Désir, l’Avenir, l’Illusion, la Blessure… 

C’est découpé en 7 zones que je dispose en fonction des thèmes. Je voulais qu’on perçoive intuitivement ce qu’était le Kawaii en montrant ce petit espace, c’est une œuvre que j’ai crée pour ça.

C’était ma première œuvre montrée à l’étranger, à New York où j’étais pratiquement inconnu, je ne savais pas tout si des gens allaient venir.

Je pensais que connaissant mes fans ou ceux de Kyary, il n’y aurait que des cosplayers, mais au final, parmi les gens qui faisaient la queue avant le vernissage, il y avait plus de mille personnes en rapport avec le monde de l’Art qui se sont déplacées.

Par la suite, ça m’a fait réfléchir et j’ai réalisé qu’aux Etats-Unis, il y avait de nombreuses artistes comme Lady Gaga, Nicki Minaj ou Katy Perry, qui ont été beaucoup influencées par la pop culture japonaise, et qu’elles y contribuaient. Mais en étant un des artistes à l’origine du concept, j’ai pensé que j’étais attendu (à New York).

Puis j’ai réalisé aussi que [le Kawaii]tout en étant une chose extrêmement personnelle, était en train de se répandre dans le monde entier, … auprès de personnes comme vous par exemple, je me suis demandé quelle puissance ça pourrait avoir, si on transformait tout ça en énergie !

JG :  Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet Time After Time ? 

SM :

Oui, alors, mon projet le plus récent s’appelle Time after Time Capsule, il s’agit de capsules temporelles en forme de petits personnages et qui seront chargés de nos messages envers le futur* et mon but est de créer ces objets à travers le monde.

Il y a deux buts à ce projet. Le premier est de rassembler tous les objets qui seront éparpillés à travers le monde pour les JO de Tokyo en 2020 et d’en faire une tour.

Et l’autre c’est de pouvoir dans 25 ans, soit en 2035, renvoyer chaque objet à son musée d’origine pour qu’ils soient descellés en même temps.

Ce projet pour dans 25 ans a beaucoup de sens pour moi.

Il y a 25 ans, j’ai commencé mon travail dans le Kawaii avec un accueil très critique de la part des adultes «  ce n’est pas de l’Art’ , «  Ce n’est pas de la Mode »… Mais 25 années sont passées, j’ai une reconnaissance internationale ; et je peux continuer à faire ce que j’aime. Donc, je pense que le futur peut changer en 25 ans !

Je compte là-dessus, et peut-être que quelqu’un, quelque part dans le monde va arriver  pour changer le futur! J’ai hâte !

*pratique courante dans les écoles primaires au Japon : On demande à des élèves de choisir un objet ou une lettre et d’enterrer tous ses trésors dans une capsule temporelle, contenant qui va résister au passage du temps. Le but est de se donner rendez-vous une fois les élèves devenus adultes pour redécouvrir les trésors du passé.Megu et Sebastian Masuda à Japan Expo

Un grand merci à toutes les personnes qui ont permis cette interview et notamment à Elena, Nao_nau et Megu.

A propos de l'auteur

Coucou c'est Megu ! La culture japonaise influence ma vie personnelle, professionnelle et artistique depuis de nombreuses années. J'écris principalement des articles Mode, mais il y a tant de choses dont j'aime parler à propos du Japon !

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